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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/784

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fermentent en quelque sorte dans l’esprit et surexcitent la pensée. Les détails comme les grandes lignes, les reliefs comme les silhouettes, s’assemblent et se confirment, se fixent ou se dégagent ; et de ce travail d’assimilation jaillit l’idée nouvelle. »

A cette époque aussi ses collections étaient déjà nombreuses et variées. Les bons conseillers, depuis vingt ans, ne lui avaient pas manqué pour le guider dans ses choix et compléter son instruction. C’étaient naturellement d’abord, avec Maurice Cottier, ses collègues de l’Union Centrale, tous des maîtres reconnus dans les arts les plus divers, les orfèvres Christofle, Bouilhet, Falize, Fannière, Odiot, les joailliers Boucheron et Sandoz, le tapissier Braquenié, les ébénistes Grohé, Mazaroz, Fourdinois, les céramistes Salvetat, Deck, Collinot, etc. etc., les peintres Galland, Lacoste, Racinet, etc., etc., et parmi les collaborateurs de la Gazette, Charles Blanc, Ph. de Chennevières, Albert Jacquemart, Darcel, etc. Mais l’un de ses plus familiers, les plus écoutés, son compagnon de jeunesse, je crois, était le bouillant et libre Louvrier de Lajolais, le futur directeur et rénovateur infatigable, aussi désintéressé que passionné, des trois Écoles nationales d’art décoratif à Paris, à Limoges, à Aubusson. Tous deux, d’éducation parfaite, de cœur chaud et libéral, d’une loyauté et d’une franchise à toute épreuve, étaient deux admirables Français, avec toutes les meilleures qualités de la race, courage et bonne humeur, humanité et simplicité, deux honnêtes gens au sens le plus complet du XVIIe siècle, bien faits pour se comprendre et s’entendre. Comme André avait abandonné l’uniforme militaire pour se livrer à ses goûts de collectionneur, Louvrier de Lajolais avait quitté la diplomatie pour peindre des paysages, mais, surtout, pour devenir le porte-parole de l’Evangile esthétique rédigé par Léon de Laborde, l’apôtre convaincu, éloquent, agissant, impétueux, irrésistible, de la foi dans l’avenir des Arts décoratifs, des Arts Unis, pour la plus noble et la plus pure gloire de la France.

On ne doit donc pas être surpris que la plus grande partie des objets acquis par Edouard André de 1860 environ à 1876, soient surtout ce qu’on appelle des Bimbelots, des pièces charmantes d’orfèvrerie, joaillerie, céramique, miniature, avec quelques tapisseries. Mais à mesure que sa vision s’affine, que son goût s’épure, sa curiosité s’étend, et ses ambitions grandissent. Il ne perd aucune occasion d’acquérir de bons tableaux,