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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/799

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été pour eux, comme il l’est trop souvent pour d’autres, une distraction d’opulence oisive, une concession de snobs aux exigences de la mode, encore moins une entreprise hypocrite de spéculation commerciale. Ce fut d’abord chez eux la satisfaction désintéressée d’une passion sincère, et aussi, depuis longtemps, le désir de contribuer, dans l’intérêt de tous, à l’accomplissement partiel de l’idéal de Renaissance et d’Alliance des Arts, formulé en 1851 par le comte Léon de Laborde. Le Musée Jacquemart-André, comme le Musée Condé, complète à la fois le Musée du Louvre et le Musée des Arts Décoratifs. C’est pourquoi notre reconnaissance doit, en s’adressant à ses fondateurs, remonter aussi jusqu’à tous les ouvriers de la première heure dans le siècle dernier, artistes, industriels, amateurs, écrivains, aujourd’hui presque tous disparus et trop facilement oubliés. Ne sont-ce pas leurs efforts, ne sont-ce pas leurs idées qui ont déterminé chez nous cet extraordinaire enthousiasme pour les œuvres de l’art et de la beauté auquel on ne résiste plus ? N’est-ce pas cet enthousiasme qui, dans les agitations tumultueuses de la vie moderne et dans les anarchies et les troubles croissans de la morale et de la conscience, reste encore souvent le plus sûr et plus doux remède à nos désolations publiques ou intimes, le dernier des beaux rêves qui nous soit encore laissé par l’implacable brutalité du matérialisme, du positivisme, de l’égoïsme soi-disant scientifiques ?


GEORGES LAFENESTRE.