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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/809

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l’Irlande, toujours sentimentale, il a néanmoins fort adroitement profité des circonstances et utilement réchauffé un loyalisme intermittent. C’est par Dublin qu’il a commencé sa tournée à travers les capitales britanniques ; — et cette préférence a flatté l’orgueil celte. Il n’a pas craint, insistant sur un thème cher à Édouard VII, de saluer l’ère nouvelle, qui va se lever pour l’Ile d’Erin ; — et cette allusion a touché le patriotisme irlandais. Et comme George V était le premier souverain, dont le serment d’accession ne contint aucune formule injurieuse pour la foi romaine, le nouveau Roi reçut, jusque dans les quartiers les plus pauvres de Dublin, qu’il ne manqua point de parcourir, sans escorte, en observateur attentif et ému, un accueil, qui arracha des larmes à la reine May.

Le pays de Galles rivalisa d’enthousiasme avec l’île d’Erin. Et par une de ces apparentes contradictions, dont s’étonne la logique française, c’est dans la patrie de Lloyd George, dans la citadelle du radicalisme, dans la capitale du puritanisme, que se déroula, le 13 juillet 1911, une des cérémonies les plus originales et les plus pittoresques qui aient marqué cette année de fêtes.

Pour la première fois depuis 1301, depuis le jour où, du haut d’un porche encore debout, Édouard Ier présenta aux Gallois, quelques heures après sa naissance, son fils aîné, un prince de souche anglo-saxonne : « Eich dyn. Votre homme[1], » il fut procédé à l’investiture solennelle de l’héritier de la couronne britannique[2], dans le cadre même de Carnarvon. Il en est peu d’aussi pittoresques. La ville qui s’enorgueillit de posséder les ruines de Segontium, la citadelle romaine, la doyenne des églises galloises, la chapelle de Llanbeblig, le tombeau de l’empereur Constantin et la maison de l’apôtre Wesley, la capitale du nationalisme gallois, le centre de sa vie intellectuelle, dessine sa silhouette, entourée de murs, couronnée du château à neuf tours, bâtie par Édouard Ier, en marge de la mer, sur un fond de bois et de moors.

Une pensée, minutieuse dans sa méthode et religieuse dans son esprit, a réglé tous les détails de cette cérémonie. Sur les

  1. Ces mots forment encore la devise des princes de Galles.
  2. Le prince actuel est le dix-huitième prince de Galles. Le premier est Lelwellyn († 1282), le dernier souverain de race celtique.