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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/817

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événemens diplomatiques. Le Roi n’a pas de contact avec ses ministres : il a perdu le droit de présider leurs conseils périodiques, de diriger les délibérations collectives et de critiquer une décision individuelle, de provoquer un débat et de résumer une discussion.

L’évolution parlementaire est venue restreindre la dernière des « prérogatives, » dont dispose encore la couronne britannique, la faculté de désigner les ministres. La prépondérance croissante des Communes et l’homogénéité grandissante des partis limitent si étroitement la liberté du Souverain, qu’elles l’annihilent presque. Lorsqu’une crise s’ouvre, le Monarque ne peut aller chercher le chef du Cabinet que sur les bancs d’une seule Chambre et dans les rangs d’un seul parti. Leurs cadres sont tellement hiérarchisés, qu’il est même à peu près impossible au Roi de ne point faire appeler le leader. Il ne peut donc barrer la route à une décision administrative ou à une réforme législative, proposée par les hommes au pouvoir, que si l’opposition organisée, la minorité actuelle, est sûre d’avoir la majorité, après la dissolution, dans la Chambre de demain. Sinon, le souverain, découvert, entre en conflit avec la nation.

Le Président de la République française ignore toutes ces limitations : son choix peut se fixer aussi bien sur des sénateurs que sur des députés. La multiplication des groupes étend encore sa liberté : il n’y a point de collaboration indispensable, ni d’homme nécessaire. Le Roi ne peut décider qu’entre deux personnes, le leader de la majorité et le leader de l’opposition.

Et néanmoins, le Souverain britannique dispose, en fait, d’une autorité supérieure à celle que conserve encore le Président français. Si telle est la réalité, c’est que, jusqu’ici, tous les Cobourg ont eu de la conscience et du caractère. À condition de maintenir intacts le prestige monarchique et leur autorité morale, de dépouiller, avec patience, les dépêches diplomatiques et les documens parlementaires, de rester en contact avec l’élite de la Chambre et avec l’opinion du pays, Victoria et Édouard VII ont pu surveiller une négociation internationale, dicter une décision ministérielle, imposer un arbitrage parlementaire, consolider la paix sociale,

George V s’est efforcé, depuis quatre ans, de rester fidèle à cette tradition et de continuer cette œuvre,