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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/816

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ou d’un kaiser allemand. Quand il présida, pour la première fois, à l’ouverture d’une session parlementaire, une double modification fut apportée au protocole.

Les souverains firent leur apparition, sur l’estrade, dans la Chambre des Lords, la couronne en tête et le sceptre au poing. Edouard VII jugeait cet apparat inutile. Il ne sortait qu’à regret des coffres-forts les reliques médiévales. Il se sentait mal à l’aise sous ces symboles archaïques et religieux. Il trouvait suffisant de porter la tunique écarlate et le chapeau à plumes de maréchal. George V ignore ce respect humain et cette ironie moderniste. Il a pour les insignes monarchiques le respect du marin pour « la grande tenue » et celui de l’officiant pour « les objets rituels. » Il obéit à la consigne et à la tradition, chaque fois que les circonstances le demandent et que sa conscience l’exige.

Un monarque absolu n’eût pensé qu’à rehausser d’un geste le prestige impérial. Souverain constitutionnel, George V a songé également au prestige parlementaire.

L’usage voulait que le gentleman Usher of the Black Rod attendit pour « se rendre dans un autre endroit, » et appeler ces Messieurs des Communes à la barre des Lords, que le Roi et la Reine fussent assis sur leur trône. Les députés se précipitaient et se bousculaient, d’autant plus volontiers que la place qui leur était réservée était plus insuffisante. Désireux d’épargner au Parlement cette course et ces pugilats, George V donna l’ordre, à Black Rod, à l’amiral sir Henry Stephenson, de convoquer les députés, aussitôt que le carrosse royal serait arrivé au pied de l’escalier de Westminster. Et lorsque les souverains pénétrèrent dans la Chambre des Lords, ils trouvèrent en face d’eux les membres des Communes, correctement rangés en ordre serré. Ceux-ci furent sensibles à la délicatesse du procédé. Ils rendirent hommage à l’esprit parlementaire de ce souverain constitutionnel.

Les « prérogatives » de la couronne britannique sont plus limitées, en droit, que ne le sont les « prérogatives » de la présidence française. Le Monarque n’a pas de contact avec les Chambres : il ne possède ni le droit d’exiger une nouvelle délibération, d’interjeter appel et d’imposer un sursis, ni celui de rédiger des messages parlementaires, de poser, devant l’opinion, un problème grave et de communiquer aux élus des