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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/825

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Ils partent pour le Lancashire, visitent les « Six villes » de la porcelaine, traversent rapidement Liverpool, Manchester et ses satellites. Évidemment, dans cette tournée de 400 kilomètres, organisée par lord Derby, il y eut des visions hâtives et des défilés rapides, des revues et des fanfares, des arcs de triomphe et des concours d’orphéons, toutes les banalités des pompes démocratiques. Mais le Roi et la Reine ne restent pas cloîtrés dans leur limousine. Ils visitent minutieusement les principales usines de porcelaine, des tissages de soie et de coton. Ils interrogent ouvriers et ouvrières sur leurs professions et sur leurs gains. Et chaque fois que l’horaire le permet, à Burnley et à Rochdale, notamment, ils s’arrêtent, pour frapper aux portes d’un cottage inconnu. Le 14 juillet 1913, le Daily News, qui n’est point suspect de snobisme monarchique, écrivait : « Le roi George a inauguré des cérémonies royales d’un genre plus démocratique… Il n’est jamais plus à son aise que quand il apprend comment les choses sont faites et en voyant de très près les classes laborieuses. Aucun monarque n’est entré en contact aussi direct et aussi intime avec ceux qui travaillent de leurs mains, comme il l’a fait… Jour après jour, il a circulé à travers le Lancashire, non point avec une pompe préparée, mais avec le désir sincère de voir quelque chose des gens du peuple, dans leur vie normale. »

Certes, les ovations enthousiastes dont les souverains ont été salués n’auraient point à elles seules enrayé la floraison des grèves, particulièrement abondante en 1912 et 1913. Il ne suffit pas d’allumer quelques lampions et de dresser quelques oriflammes, afin d’établir sur des bases durables la paix sociale. Mais ni ces acclamations sincères, ni ces enquêtes monarchiques n’ont été inutiles. Celles-ci jettent, grâce à la publicité dont elles sont entourées, une précieuse lumière sur la situation matérielle des classes ouvrières. Heureuses les villes, dont les usines et les maisons résistent à l’épreuve d’une visite royale ! Si les chefs d’États, s’inspirant de cet exemple, entreprenaient, sans cortège ni apparat, des tournées, à travers ces faubourgs, que mon ami Pierre Hamp a dépeints dans les fresques minutieuses, qui rappellent à la fois les descriptions de M. R. Kipling et les toiles de Téniers, ils trouveraient, dans le pullulement des cabarets de ses Contes écrits dans le Nord, le Rail'', l’Engender, et dans les scandales des taudis, les sujets d’appels retentissans