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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/828

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parmi les écrivains qui ne s’arrêtent jamais et pour qui le repos serait une fatigue, s’ils étaient capables de s’y livrer sans y être contraints. Le repos est pour M. Emile Faguet une chose inconnue. Pour lui, le délassement, qui parfois s’impose aux plus grands travailleurs, consiste purement et simplement à changer de genre. Cette vaillance, que l’âge ne décourage pas, assure à M. Faguet l’admiration de ses lecteurs, et je n’en connais aucun qui la lui marchande. J’ai lieu de croire qu’elle va s’accroître encore chez ceux qui liront l’ouvrage qu’il vient de consacrer à la vie sacerdotale de Mgr Dupanloup, l’illustre évêque d’Orléans, qui fut une des gloires de l’Église de France.

Pour un homme à qui les choses d’Eglise ne semblaient pas devoir être familières, écrire un volume sur un évêque n’allait pas sans difficulté et beaucoup de ses égaux eussent redouté de trouver un écueil dans l’ignorance des milieux ecclésiastiques, des études et des convictions qui en permettent l’accès, des coutumes qui y règnent et du langage qu’on y parle. Mais M. Faguet, qui n’est étranger à aucune des formes de la pensée humaine, ne pouvait se laisser effrayer par un obstacle, qui, à vrai dire, n’en est pas un pour lui. Voici donc un très beau livre où Mgr Dupanloup apparaît couronné d’une auréole dont l’éclat est dû, au moins en partie, à l’art avec lequel le peintre a mis en lumière les vertus de son modèle. Et ce qui est particulièrement digne de remarque, c’est qu’en dessinant ce portrait, M. Emile Faguet a fait preuve d’une véritable intelligence religieuse. Aussi peut-on dire que, dans cette monographie d’un accent si pénétrant, il a parlé de Mgr Dupanloup comme celui-ci eût souhaité qu’on parlât de lui.

Notre auteur me permettra cependant, au début de cette étude sur son œuvre nouvelle, de regretter qu’il ait négligé de nous décrire le tableau de l’Eglise de France telle qu’elle était à l’époque où Dupanloup embrassait la carrière du sacerdoce. Ce tableau eût mieux fait comprendre encore l’ardeur de ses convictions, l’énergie avec laquelle il les a défendues toute sa vie et qui, malgré la tolérance dont il se faisait honneur, lui donne au plus haut degré la physionomie d’un homme de combat. Il appartenait à une génération de prêtres qui, s’ils n’avaient pas subi, comme leurs aînés, les tragiques épreuves de la Terreur, avaient eu cependant à traverser des jours difficiles. Il entrait dans sa vingt-huitième année lorsque, au lendemain de