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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/829

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son ordination, éclatait la Révolution de 1830. Presque aussitôt, une tourmente effroyable se déchaînait sur l’Eglise de France, menacée par la violence des passions antireligieuses, suite fatale de l’envahissement du parti congréganiste à la fin de la Restauration. Elles avaient pris pour drapeau le voltairianisme et donnaient à croire que la religion allait périr sous les coups qu’on lui portait.

Thureau-Dangin, l’historien regretté du règne de Louis-Philippe, fait justement remarquer que l’Eglise semblait alors vaincue au même titre que la vieille royauté qui venait de disparaître. Le pillage et l’incendie de l’archevêché de Paris, le sac de Saint-Germain-l’Auxerrois, les saturnales auxquelles donnèrent lieu ces émeutes sacrilèges, la profanation des maisons religieuses, les croix traînées dans la boue et jetées dans la Seine après avoir été arrachées du fronton des temples, l’impossibilité pour les prêtres de se montrer en soutane dans les rues et toute une multitude de traits analogues attestent les haines ardentes dont l’Eglise était l’objet. Les journaux du temps nous en ont conservé le souvenir. Parlant du catholicisme et le montrant comme épuisé, l’un d’eux disait : « C’est une religion qui ne va plus. » On pouvait lire dans un autre : « Nous allons assister aux funérailles d’un grand culte. » Henri Heine faisait chorus avec ces prophéties : « La vieille religion est radicalement morte, écrivait-il, elle est déjà tombée en dissolution, la majorité des Français ne veut plus entendre parler de ce cadavre et se tient le mouchoir devant le nez quand il est question de l’Eglise. » Témoin de ces événemens, Louis Veuillot a avoué depuis qu’il croyait que le christianisme était mort : « Rien autour de moi ne me disait qu’il vécût. »

Lorsqu’une grande institution ne périt pas sous un tel déchaînement de haines, ses partisans puisent dans les attaques qui l’assaillent un regain d’énergie pour la défendre. Au séminaire, Dupanloup avait eu pour maîtres des vieux ecclésiastiques, survivans de la grande époque révolutionnaire, dont l’âme s’était trempée à l’incessant contact de la Terreur. Dans leurs paroles, dans leurs souvenirs, il avait trouvé des exemples et, comme la plupart des condisciples de son âge, il s’en était inspiré, se promettant d’imiter ces vénérables prêtres, s’il se trouvait aux prises avec des dangers semblables à ceux qu’ils avaient courus. L’atmosphère embrasée dans laquelle, comme