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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/831

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pour élever le sien et le faire instruire sont autrement méritoires, car ils furent le prix de toute une existence de travail. Etant parvenue à le faire entrer, quand il n’avait encore que six ans, au collège d’Annecy, et la vive intelligence de l’enfant s’étant révélée dans ses premiers succès scolaires, elle tourna ses regards vers Paris où il serait plus aisé de développer ses dispositions. Quelques mois plus tard, elle partait avec lui pour la capitale, où ses efforts maternels allaient trouver une première récompense et ses espoirs un premier encouragement.

A peine arrivée, elle entre au service de la famille de Rohan-Chabot, d’abord comme servante. Mais elle ne reste pas longtemps à cette humble place ; ses maîtres, appréciant son intelligence, son instruction, sa bonne tenue, sa piété, l’élèvent au rang de femme de charge et lui confient la direction de leur maison. Dès ce moment, son fils aura un protecteur puissant et bienfaisant, le duc de Rohan. Grâce à lui, Félix Dupanloup entre au collège de Sainte-Barbe, d’où il passera tour à tour à l’institution de l’abbé Poiloup et au petit séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet. Ainsi, de jour en jour, la vie deviendra pour lui plus facile et on comprend que, dans un élan de gratitude envers le Ciel, qui l’a si visiblement protégé, il se soit écrié plus tard en se rappelant les circonstances douloureuses de sa naissance : « La bonté de Dieu sur ces deux faibles créatures, sur cette jeune femme de vingt ans, sur cet enfant d’un jour fut inouïe. Ce qui se décida dans le conseil de Dieu doit me tenir en adoration toute ma vie et en tendresse d’actions de grâce. »

Entre temps, il faisait sa première communion et, dans cet événement dont il ne perdit jamais le souvenir, les dispositions qui déjà l’inclinaient vers la vie sacerdotale trouvèrent une force nouvelle et décisive. Ses brillantes études, ses succès dans la latinité avaient attiré sur lui l’attention des professeurs du grand séminaire de Saint-Sulpice et de plusieurs personnages considérables. Dans cet adolescent d’une intelligence si vive, d’une érudition si précoce et d’une piété si profonde, ils voyaient dans un avenir prochain une recrue précieuse pour l’Eglise dont le personnel s’enrichissait à cette heure de tant de brillans sujets.

Ce qu’était le jeune Dupanloup au moment de son entrée à Saint-Sulpice, M. Emile Faguet nous le dit en ces termes :