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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/863

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plaisirs, ma joye et ma félicité. Ha, mon aymable enfant ! quand viendra-t-il ce temps heureux, et que je l’attends avec impatience !

« Je suis inquiète que vous soyez encore à faire la campagne, cela ne me sort point de la tête, et ce dessein n’est point d’un amant aussi tendre, que vous avez mille raisons de demeurer et vous n’en avez aucune de partir. Si vous m’aimez, changez cette résolution ; elle m’afflige sensiblement ; j’ai peine à résister à une absence de trois semaines, que seroit-ce donc, s’il faut vous quitter pour plusieurs mois ? J’en mourrois... Me refuserez-vous ce que je vous demande avec tant d’insistance ? Vous estes nécessaire icy et vous pouvez demeurer sans vous faire aucun tort. Mandez-moi vite que vous m’accordez ma prière et tirez-moi de mon chagrin...


« Vendredi (30 juin).

« ... J’ai esté tesmoin hier d’une conversation entre mon père et ma mère qui m’a fait faire bien des réflexions. On ne peut imaginer rien de si désobligeant ni de si aigre que tout ce qu’ils se sont dit...

« J’ai tremblé en voyant des personnes, que l’amour seul a unies, si animés pour si peu de chose, jusque-là qu’ils se sont menacés de se quitter. Ils se sont enfin raccommodés au bout de deux heures, mais ma mère est piquée au vif contre mon père, et elle n’a point tort. Vous jugez bien qu’elle a peu de pouvoir, puisqu’elle ne peut réussir dans une affaire qui lui tient si fort au cœur. Cela me donne fort mauvaise opinion des miennes, car toute mon espérance estoit en elle, et je vois qu’il suffit qu’elle souhaite une chose pour qu’elle ne soit point. Mon père est dur au delà de l’imagination ; je suis fort mal édifiée de lui, car j’ai connu aux manières qu’il a pour ma mère que l’on ne doit point compter sur ses bontés ; de sorte que je suis de fort méchante humeur aujourd’hui...


« 1er juillet.

«... Si je n’avois receu une lettre de 205 avant la vostre, je crois que vous m’auriez donné la fièvre, en me parlant de vos plaisirs et des dames avec qui vous jouiez. Je suis hors d’inquiétude grâce à elle. Voicy ce qu’elle me dit : « Il y avoit