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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/877

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Il est facile, grâce aux lettres de Konigsmarck, de reconstituer la trame des événemens survenus depuis son départ de Hanovre jusqu’au jour où la mort finira le roman.

Dans les premières, il se justifie du silence dont se plaint amèrement et injustement Sophie-Dorothée :


« (21 août).

« Depuis avant-hier au soir 42 heures, j’ai été perpétuellement à cheval et j’ai fait plus de douze lieues sans mettre pied à terre. Il ne s’est rien passé encore, nous parlons avec MM. les Danois, car il n’y a que la rivière entre deux.

« O tanto de la guerra, parlons d’amour... »


« 27 août.

« ... Quand je vas la nuit et les jours pour patrouiller, je peux faire autant de réflexions que je veux ; je vous vois toujours devant moi, je vous considère depuis la tête jusques aux pieds, je trouve tout en perfection. Si l’on peut aimer après être hors du monde, soyez persuadée que toutes les beautés de l’autre monde ne m’ébranleront pas. »


La guerre avec les Danois tourne court ; les troupes rentrent à Hanovre où, pour Konigsmarck, la vie devient impossible.

Epié par la Platen, traqué par ses créanciers, conjuré par Sophie-Dorothée de fuir avec elle, il se rend à Dresde, pour réclamer au nouvel électeur de Saxe, Auguste le Fort, des sommes jadis prêtées. La Cour saxonne est brillante, mais les coffres sont vides. Auguste traite princièrement le Suédois et ne lui donne pas d’argent.

Le poste de major général de l’armée lui est offert en compensation ; il l’accepte. C’est la dernière ressource, le dernier espoir d’assurer la vie des deux amans dont la fuite est maintenant décidée.

Des lettres de Konigsmarck pendant cette période, nous n’en retiendrons que deux, car, mieux que toute autre considération, elles placent les héros du triste roman dans leur vraie lumière ; elles les situent en quelque sorte, elles les expliquent :


«...Si j’étois bien sûr que vous vouliez fuir quand les Danois passe (ront) l’Elbe, et cela avec moi, je crois que je les laisserois passer... mais, mon ange, quand on viendroit au fait