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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/878

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et au prendre, je crois que vous ne seriez pas si prompte à l’accepter que vous le proposez asteur, car il faut avoir à vivre, voilà le grand obstacle. »


La fin de cette lettre n’est qu’un long réquisitoire contre les femmes, « dont la meilleure n’est pas bonne à noyer ; » toute » fois, il y met cette charmante conclusion :


«...Toutes prétendent d’être sincères, passionnées, constantes, et elles ne sont rien moins que cela ; il n’y a ni foi ni loi parmi le sexe... Je peux vous jurer, sans vous flatter, que vous vous distinguez parmi tout, et c’est pourquoi l’on se peut fier à vous.

« Vous êtes dans un endroit où l’on ne fait que des sottises ; on (ne) se contente pas de les faire, mais l’on en parle tout haut, et il semble que les dames s’en font une gloire. Vous êtes jeune, coquette, cajolée de tout le monde, des exemples devant vos yeux, je m’étonne que vous ne les avez plus imités que vous n’avez fait. Ayez en obligation à votre bon naturel... toute autre que vous se seroit perdue sans faute. »


Après une grave indisposition de Sophie-Dorothée qui craint que ses charmes n’en soient altérés, Konigsmarck la rassure ainsi :


« Altenbourg, le 19 sept.

«...Je me soucie guère si vous êtes pâle, maigre et défaite. Je serois bien malheureux si ma passion étoit seule fixée sur votre beauté ; dans vingt-quatre heures elle peut changer en laideur, où en serois-je alors ?

« Ma passion est fondée sur des merveilles plus solides en quoi je ne verrai jamais de changement. Eussiez-vous quatre-vingts ans, les beautés de mérite durent à l’éternité.

« Je puis encore vous jurer que je ne me souviens pas que mes amours m’ont tenu un quart d’heure dans des inquiétudes, au lieu qu’à présent il ne se passe guère de nuits que je n’en veille la moitié... D’abord que je vous ai connue, je me donnai tout à vous ; ma raison avoit beau me dire qu’il faudroit partir un jour, je ne l’écoutai point, et mon cœur me disoit qu’il n’y consentiroit point.

« Le papillon qui brûle à la chandelle sera mon sort, je ne puis éviter mon destin. »