Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/879

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III

Dans le triste château de Leine, où elle s’est confinée depuis sa rentrée à Hanovre, Sophie-Dorothée attend Konigsmarck. Elle ne s’inquiète même plus de conserver à sa vie conjugale une apparence capable d’éloigner les soupçons. Son unique préoccupation est d’échafauder des plans de fuite où, toujours, manque l’élément essentiel : l’argent.

Cette attitude exaspère le Prince Electoral dont l’indifférence se change en colère, en violences, au point que Sophie-Dorothée, injuriée, frappée, va chercher refuge et protection près de ses parens.

Mais les temps n’étaient plus où, fille idolâtrée, elle régnait en petite souveraine au château de Zell.

Son père, aujourd’hui, l’y accueille avec des reproches, des menaces. Inquiété à cette heure par les Danois, il ne se soucie pas de se brouiller avec Hanovre et enjoint à la fugitive d’y rentrer. Les supplications d’Eléonore d’Olbreuse sont vaines ; elle a perdu les charmes qui, jadis, lui assuraient la victoire dans ses démêlés avec son mari : la mère et la fille sont confondues dans une même malédiction. Sophie-Dorothée doit obéir. Mais, décidée désormais à ne plus rester à Hanovre, elle brûle ses vaisseaux en contrevenant gravement, envers l’Electeur et sa femme, aux lois de l’étiquette.

C’est à ce moment, qu’insouciant des dangers qui le menacent, Konigsmarck rejoint la princesse, afin d’arrêter les détails de la fuite qui s’impose prochaine. Leur anxiété est grande. Quelle Cour accueillera ces illégitimes amours ? L’Angleterre ? Il n’y faut pas songer dans les circonstances présentes. La France ? La religion leur en aurait rendu l’accès difficile.

Le seul refuge qui s’offre à eux est la Cour du duc Antoine-Ulrich de Wolfenbuttel, le sûr ami de tous les temps. Par malheur, il était, pour l’instant, l’ennemi du Hanovre, ce qui aggravera singulièrement le cas de Sophie-Dorothée, quand, plus tard, dans le procès de son divorce, ce projet la fera convaincre de trahison.

Epiés de très près, les amans ne peuvent se voir, mais les lettres s’échangent sans relâche ; enfin, tout est prêt pour la fuite, fixée à la nuit du 1er juillet.