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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/884

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Il sentait, ce parfum, d’ineffables secrets,
Des rendez vous furtifs sur des balcons de marbre.
Des aveux qu’on retarde en marchant d’arbre en arbre,
Des sommeils innocens que veille un jet d’eau frais.

Il disait des douceurs adorablement blanches,
Des vogues sur un lac d’opale, à deux, la nuit,
Et par les tièdes bois, un soir de Mai, sans bruit,
Des baisers effeuillés comme la lune aux branches.

Il versait l’infini du bord du grand mur bleu ;
Il était vif, profond, et pur, comme l’enfance ;
Parfum de Paradis que nous buvions d’avance,
Il pariait du Bonheur, il faisait croire à Dieu !


AU SILENCE DE MINUIT


O Silence émouvant de ma chambre à minuit.
Fidèle conseiller de mes heures de doute,
O toi que, demeuré seul dans l’ombre, j’écoute
Quand ma raison se cherche, anxieuse, et se fuit,

O toi dont la musique éparse est souveraine
Pour bercer le cœur gros de chagrin ou d’amour,
Toi qui, le soir, après les tumultes du jour,
Es la calme sagesse et la bonté sereine,

Silence qui, dans l’air encore tout meurtri,
Murmures pleins de voix subtiles et pareilles
A ce bruit sourd que font les conques aux oreilles,
Écho diminué d’un immense et long cri,

Silence, attention solennelle des choses
A quelque étrange mot sans doute essentiel,
Cher Silence, ami grave et confidentiel,
Viens encor me parler ce soir, à portes closes.