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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/887

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Oh ! ce profond azur des matins de jadis,
Ce saphir à la fois ténébreux et splendide,
Comme il était ardent, comme il était candide !
On aurait dit vraiment un bleu de Paradis...

Il coulait dans nos cœurs comme un liquide charme,
Nous le buvions avec extase ; et lentement
Nous sentions à nos cils, éblouis par moment,
Poindre devant le ciel notre première larme.

Ah ! cet azur, c’était l’au-delà, l’inconnu,
La liberté, le beau Dimanche après la messe,
Les vacances au bout des longs mois, la promesse,
Là-bas, d’un grand bonheur certain, le jour venu !

Cet azur merveilleux, c’était toute la vie,
Rêvée avec ferveur pour quand nous serions grands,
A travers la Fenêtre aux carreaux transparens
Où l’enfance attend tout dans sa divine envie !...

Je ne l’ai plus revu jamais dans aucuns cieux,
Même aux jours les plus tôt levés de ma jeunesse.
Même en sortant à l’aube, ivre de la caresse
Dont m’avaient enlacé des bras délicieux.

En vain je l’ai cherché sur Florence et l’Espagne,
Par les midis toscans et les soirs andalous,
En vain dans de beaux yeux attendris ou jaloux,
Ce ton du ciel qu’un songe ineffable accompagne.

Ce bleu sans fond d’où tant de grave et pur émoi
Ruisselait dans mon cœur d’écolier solitaire,
Ce saint azur qui n’est nulle part sur la terre.
Que je voyais dehors, et qui rêvait en moi !