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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/893

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dis-je alors. Voilà, par exemple, la duchesse de Valençay, votre belle-fille qui, allant à la Cour, sera une de celles que l’ambassadrice recevra de préférence ; elle ne tardera pas, comme vous pensez bien, à lui présenter la princesse de Bauffremont sa sœur ; comment voulez-vous, madame la duchesse, que lady Cowley décline une semblable présentation ?

— Elle ne la déclinera pas, mais elle n’invitera pas la princesse chez elle et n’ira pas la voir. Elle passera à sa porte dans son carrosse, lui laissera une carte sans demander à être reçue et en restera là.

— Mais un tel procédé, qu’aucun précédent ne peut justifier, excitera dans la société beaucoup d’étonnement d’abord, et puis une indignation générale.

— Je ne suis pas de votre avis, comte. Les carlistes excuseront l’ambassadrice en disant : « Pauvre lady Cowley ! elle aimerait tant nous voir, être avec nous, mais elle ne le peut, Louis-Philippe le lui défend. » Et c’est la vérité, poursuivit la duchesse ; si elle les recevait, le Juste Milieu lui crèverait les yeux, n’est-ce pas, comte Duchâtel ?

— Je suis bien de votre avis, madame la duchesse, et ne doute pas que le gouvernement lui témoignerait son déplaisir si elle recevait une société qui nous est hostile. Vous avez raison de conseiller à lady Cowley de remuer ciel et terre pour ne pas venir à Paris, car, d’une part, elle sera indignement traitée par la société qu’elle sera obligée de voir, et, de l’autre, elle sera obligée de maltraiter celle qui viendra au-devant d’elle avec confiance et bienveillance.

— C’est pourquoi je dis, comte, et je répète que la position d’une ambassadrice d’Angleterre à Paris, dans ce moment, est si difficile qu’elle serait impossible, si elle ne se résignait pas à se contenter de donner des dîners et, pour le reste, à ne jamais ouvrir sa maison le soir. Mais ce qui vaudrait mieux encore, c’est que le duc de Wellington envoyât ici un ambassadeur non marié.


29 janvier. — Un événement qui occupe dans ce moment- ci beaucoup la Cour, le gouvernement et la ville, c’est la nomination du comte Pozzo à l’ambassade de Londres. Cet ambassadeur a pris tellement racine à Paris, qu’il a cru qu’il devait y rester toujours. Grand fut donc son étonnement lorsque, tout à