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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/913

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belles pensées. Ce dernier, ayant une voix de stentor, est parvenu à crier plus fort que tous les accusés réunis, que les gardes municipaux qui avaient ordre de les faire taire, que M, Faischamel qui commandait avec toute la force de ses poumons, que le président Pasquier qui criait et gesticulait derrière son fauteuil, que le procureur du Roi qui beuglait son réquisitoire, que les avocats qui ouvrirent leur bouche grande comme une porte cochère pour protester au nom de leurs cliens. Seul, parmi tant de criards, il a dominé le tapage et fait entendre à la Pairie les choses les plus injurieuses, les plus impitoyablement diffamantes. Après avoir achevé sa lecture, car il lisait sur une feuille que Cavaignac lui avait donnée, il consentit à se taire, ayant dit tout ce qu’il avait à dire.

La Cour rentra dans les bureaux pour délibérer et, après cinq heures, la séance a été levée sans autre résultat, si ce n’est que le procureur du Roi a déclaré aux accusés que, s’ils recommençaient de nouveau leurs indécentes clameurs, ils seraient punis correctionnellement de cinq mois à deux ans de prison et de cinq cents à six mille francs d’amende. Sur quoi, ils recommencèrent à crier, en réclamant pour tous le maximum de la peine.

Le onze, a paru dans la Tribune une lettre d’une hardiesse et d’une insolence sans exemple, adressée aux accusés et dirigée contre la Pairie : cette lettre est signée par quatre-vingt-onze défenseurs qu’a récusés la Cour. Parmi les signataires on distingue l’abbé de Lamennais, Carrel, Raspail, Voyer d’Argenson ex-député, Audry de Puyraveau et Cormenin députés, et enfin l’individu fameux par le coup de pistolet sur le Pont-Royal qui, après avoir été déclaré non coupable, s’est partout vanté d’avoir vraiment eu l’intention de tuer Louis-Philippe.

Cet incident est des plus graves, d’autant plus qu’il y a des députés parmi les signataires de la lettre et qu’ils ne peuvent être poursuivis qu’avec l’assentiment de heurs collègues. Thiers promet d’enlever cette question à la Chambre des députés en une demi-heure, et si les signataires ne désavouent pas leur manifestation, ils seront, à ce que l’on espère, condamnés à cinq ans de prison et dix mille francs d’amende, le maximum de la peine.

Tous les partis sont d’accord sur un point dans cette grande affaire, c’est que, de toutes les crises qu’a traversées le gouvernement