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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/931

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M. Lavedan. C’est la souplesse, la rapidité, la vivacité du dialogue de théâtre, et c’est la netteté de forme, la perfection du style écrit. Les mots de celui-là sont bien à lui et on ne se souvient pas de les avoir déjà entendus, je veux dire : entendus partout. Son esprit original, prime-sautier, est non pas l’esprit de Monsieur tout le monde, mais l’esprit de M. Lavedan. C’est un grand charme.

Si les trois actes de Pétard eussent été de la même qualité, la pièce eût été l’une des meilleures parmi celles que nous devons à l’auteur du Prince d’Aurec, du Marquis de Priola et du 'Duel, trois des comédies les plus fortes de ces vingt-cinq dernières années. Mais après ce premier acte qui annonçait une comédie de caractère, et qui est à lui seul une très jolie comédie de caractère, commence une comédie d’intrigue, qui sans doute ne vaut pas moins que beaucoup d’autres comédies d’intrigue, mais qui aussi ne vaut pas mieux et ne m’a pas paru de la plus heureuse invention.

C’est encore à Persanges, cette fois dans la grande salle ornée de portraits de famille : Pétard a acheté les portraits avec le château, persuadé qu’il achetait les ancêtres avec les portraits. A peine a-t-il eu le temps de distribuer au maire, au curé, à l’institutrice, quelques libéralités assaisonnées de quelques insolences, arrive Hélène. Elle a donné rendez-vous à Pétard dans un an : elle est exacte au rendez-vous. Elle est reçue d’abord par Lucie Pétard et lui raconte une année de sa vie. Ç’a été une année très accidentée. Passée en Angleterre, elle est devenue l’héritière d’un richissime lord anglais et habite maintenant à Paris un luxueux petit hôtel, sous un nom d’emprunt. Cela d’ailleurs en tout bien tout honneur : c’est l’histoire d’une aventurière ad usum puellæ. A Pétard, avec qui elle a ensuite un tête-à-tête, elle recommence la même histoire, mais cette fois pimentée de détails plus véridiques et plus excitans. Même dans cette seconde version, l’aventure nous parait bien extraordinaire. Cette fille de petits bourgeois campagnards a fait dans la galanterie un chemin terriblement rapide : nous avons peine à y croire : là comme partout, les débuts sont difficiles. A Philippe de Persanges, à qui elle a donné rendez-vous chez Pétard, — encore un trait peu vraisemblable, — elle refait pour la troisième fois le récit de ses aventures fantastiques ; et nous commençons à trouver que c’est une histoire qu’elle recommence un peu trop souvent. Philippe, qui est un bon nigaud, trouve qu’il n’y a dans tout cela rien de répréhensible, et, de plus en plus, brûle de donner son nom, un nom aristocratique, authentique, historique, un vieux nom sans tache, le nom dont il est fier et si justement fier,