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trouvé, n’en a pas apporté, et cela aussi est déplorable. Peut-être n’est-ce pas sa faute et y a-t-il là une lacune, une insuffisance de nos lois ; mais alors, en constatant le fait, il y a lieu de le regretter profondément.

Enfin, la Chambre a été appelée à se prononcer sur l’affaire, et elle s’est livrée à un grand débat où l’éloquence, certes, n’a pas manqué, mais dont la conclusion a été aussi faible et falote que celle de la Commission. Et comment aurait-il pu en être autrement ? Faut-il dire toute la vérité ? La majorité de la Chambre est composée d’hommes dont on se tromperait beaucoup si on croyait que, tout au fond de l’âme, ils portent au mal qu’ils dénoncent la haine vigoureuse que demandait Alceste. Ils réprouvent ce mal du bout des lèvres, mais ils en sont eux-mêmes les auteurs ; ils le propagent, le pratiquent et en vivent. Croit-on que, dans le secret de leur conscience, ils jugent M. Monis et M. Caillaux si coupables ? Ils ont vingt fois fait eux-mêmes en petit ce que les deux ministres ont fait en grand. Ils ont rarement affaire à des procureurs généraux et à des présidens de Chambre ; mais, dans leurs arrondissemens, ils ont un président de tribunal, des juges, un procureur de la République, un plus grand nombre de juges de paix, et ils ne se gênent guère pour exercer sur ces magistrats une influence, qui prend, quand il le faut, le caractère d’une pression très énergique. Eux aussi ont « la manière, » et, lorsque la Commission d’enquête dit que, si le mal se développe, tout le système politique et social en sera infecté, c’est du présent qu’elle devrait parler et non pas de l’avenir, car la décomposition est aujourd’hui générale. C’est la conséquence logique et fatale du parlementarisme faussé que nous pratiquons. Plus que tout autre, le gouvernement parlementaire a besoin de la stricte séparation des pouvoirs, car si les pouvoirs sont confondus, ils le sont, non pas dans une seule main, mais dans quelques milliers, ce qui facilite singulièrement la propagation du mal. Veut-on savoir quel est le sentiment vrai de la majorité radicale-socialiste sur le cas de MM. Monis et Caillaux ? Nous le demanderons au Radical, qui est le journal officieux du ministère. Après avoir raconté à sa manière quelques-uns des incidens d’hier, le Radical ajoute : « Il est vrai que le texte (celui de la Commission d’enquête) note qu’il y a eu là le plus déplorable abus d’influence. C’est ici qu’apparaît la tendance à l’hyperbole. Déplorable abus d’influence, l’unique démarche que M. Caillaux fit auprès de M. Monis, à la fois pour être agréable à son ami, M’Maurice Bernard, et pour éviter les conséquences politiques et financières d’une plaidoirie irritée