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partie de ce texte ? Quoi de plus vain et, comme on dit au Palais, de plus inopérant que la seconde ? Croit-on qu’on aura tout sauvé quand ou aura empêché les financiers d’entrer à la Chambre ? Rochette n’était pas député.

La déception générale a été vive et elle s’est changée en réprobation indignée, lorsqu’on a appris que, s’il n’y avait pas de sanction contre la faute des ministres, il y en aurait contre la faiblesse des magistrats. Le bruit a couru d’abord que M. Fabre allait tout simplement être mis à la retraite. La clameur publique a été si véhémente que le gouvernement a reculé, transigé : M. Fabre perdra sa place, mais on lui donnera une compensation ; et M. Bidault de l’Isle, qui est inamovible et auquel on ne peut toucher que dans certaines règles, sera soumis au Conseil supérieur de la magistrature. Tout le monde s’inclinera devant le Conseil supérieur : quant au gouvernement, on est bien obligé de le subir, mais qui s’inclinerait devant son autorité morale ? Des ministres qui, hier encore, étaient les collègues de M. Monis et de M. Caillaux et n’ont nullement décliné toute solidarité avec eux, n’ont pas qualité pour frapper leurs victimes, pour les achever. M. Clemenceau lui-même, qui est un grand ami du ministère, lui a conseillé de déférer M. Fabre, comme M. Bidault de l’Isle, au Conseil supérieur de la magistrature. L’opinion en aurait éprouvé une détente. Mais quelle opinion ? demandera peut-être le gouvernement. Celle de la magistrature ? Celle du barreau ? Celle d’un monde spécial et étroit ? Il ne s’intéresse qu’à celle du pays. Eh bien ! puisque le pays a la parole en ce moment, qu’il réponde ! On lui demande de réagir, qu’il réagisse ! Nous saurons dans quelques jours s’il l’aura fait.


L’intérêt, l’importance qu’avaient pour nous nos affaires intérieures nous ont empêché de parler, dans nos dernières chroniques, de ce qui se passe hors de nos frontières et cependant cela aussi a de l’intérêt et de l’importance. Un ministère est tombé à Rome. M. Salandra a remplacé M. Giolitti, qui éprouvait une sorte de difficulté de vivre, mais qui reste tout-puissant sur la majorité. Les affaires d’Albanie et de l’Épire sont à l’état de crise aiguë, et cette crise, si elle se prolonge, pourrait en amener d’autres d’un caractère plus général. Nous voudrions pouvoir parler aujourd’hui de tout cela, mais le temps nous presse et la place nous manque. Il est cependant impossible de ne pas dire quelques mots de l’Angleterre et des dernières complications que le développement de la question du Home Rule y a fait naître.