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distribution de bouquets aux dames et, à neuf heures, on repartait pour Paris, avec une escorte de piqueux à cheval portant des torches. Il était dix heures un quart lorsque nous arrivâmes aux Tuileries. M. Strada, l’écuyer du Roi, me dit que, pour l’arrangement de la partie, il lui avait fallu mettre près de quatre cents chevaux en mouvement. Je lui ai fait compliment pour la manière dont tout a été arrangé. Néanmoins, le Roi n’a fait que le gronder tout le temps. M. Strada a le malheur d’être oublieux, distrait et, je crois, un peu sourd. Aussi, malgré son zèle et sa prétention à vouloir deviner la pensée du Roi, il fait souvent le contraire. A la vacherie, par exemple, le Roi voulait nous montrer des vaches ; comme l’étable était vide, il dit à Strada d’en faire venir pour avoir du lait ; Strada part au grand galop et un quart d’heure après, il revient avec bon nombre de chevaux de selle et des grooms à sa suite.

— Mais, lui dit Sa Majesté, que voulez-vous que je fasse avec vos chevaux, la Reine et ces dames veulent boire du lait, c’est donc des vaches qu’il nous faut.


26 mai. — Nous avons été ce soir chez la Reine, pour faire notre visite de remerciement pour la journée du Raincy. Mme la princesse de Schönburg nous y a accompagnés, ainsi que la princesse de Brezenheim et les deux maris respectifs. Il y avait peu de monde dans le salon de Sa Majesté.

La Reine et Madame Adélaïde sont dans le ravissement du voyage des princes, les nouvelles qu’elles ont reçues de Messeigneurs les comblent de joie ; le Roi s’est exprimé dans les mêmes termes de satisfaction. Ce qui avait inquiété la famille royale sur le compte de leurs fils, c’était un projet d’attentat contre leur vie, qu’on a découvert ici et qui aurait dû s’exécuter pendant leur voyage. Aussi les a-t-on entourés en Prusse de toutes sortes de précautions extraordinaires.


8 juin. — Jeudi dernier, jour de la Fête-Dieu, nous avons eu à dîner la marquise Visconti, de Milan, mère de la princesse Belgiojoso. Elle est venue à Paris pour déterminer sa fille, la princesse Belgiojoso, à vendre ses possessions du Milanais au duc de Canizaro. La princesse deviendrait, de cette manière, entièrement indépendante et pourrait rester à Paris, avec tous ces jeunes et vieux barbouilleurs de papiers, qui font du sentiment