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faute capitale de la Constituante ; elle eut les plus néfastes conséquences. » (Albert Malet.) Et la phrase est soulignée dans le texte. M. Albert Métin, présentement ministre, dans un manuel écrit en collaboration avec M. Seignobos, reconnaît que la question religieuse fournit aux partisans de l’ancien régime « l’appui qu’ils cherchaient depuis 1789 pour lutter contre la Révolution. » M. Debidour est encore plus catégorique : à ses yeux la Constitution civile fut « l’erreur capitale de la Révolution et elle ne pouvait être acceptée ni par le haut clergé ni à plus forte raison par le Saint-Siège. »

Ce point acquis, le débat s’est déplacé. Si la rupture religieuse a été un grand malheur et une grande faute, à qui est dû ce malheur, à qui remonte la responsabilité de cette faute ? Nous avons ici trois thèses en présence.


I

La première thèse, la thèse classique depuis Mignet de ceux qu’on a appelés les « historiens de gauche, » c’est que la rupture entre la Révolution et l’Eglise est due au clergé, et particulièrement aux évêques. Elle est exposée notamment par M. Debidour, dans son Histoire des Rapports de l’Église et de l’Etat en France de 1789 à 1870. « Ces anciens privilégiés, dit-il, dont la plupart s’accommodèrent plus tard sous Bonaparte d’un régime plus rigoureux encore, et plus éloigné de leurs prétentions, repoussaient à ce moment toute transaction, parce qu’ils croyaient possible et même facile la restauration du régime déchu. Beaucoup d’entre eux, prêtres sans mœurs comme sans foi, se posaient maintenant en champions des vertus chrétiennes et de l’orthodoxie, criaient au sacrilège, au schisme, à l’hérésie… Dès le début, l’épiscopat, avec une remarquable énergie, s’efforce d’entraîner à la fois les trois puissances sur le concours desquelles il fonde le plus d’espoir : le Pape, le Roi et le peuple. » Comme on le voit, non seulement les évêques auraient provoqué la rupture, mais ils l’auraient provoquée dans une intention politique, « pour se conduire en vrais gentilshommes, » suivant le mot souvent cité de Dillon, archevêque de Narbonne.

Cette thèse de l’intransigeance de l’épiscopat est combattue