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par M. Mathiez avec une abondance de documens propre à faire impression. M. Mathiez sur ce point se trouve souvent d’accord avec M. de La Gorce (Histoire religieuse de la Révolution française) et avec M. l’abbé Sicard (Le Clergé de France pendant la Révolution), qui regrettent que l’opposition faite par le haut clergé à la Constitution civile du clergé ait dans bien des cas manqué de spontanéité, de zèle, ou, pour tout dire en un mot : de foi.

Tâchons de préciser. Au début de la Révolution, il est manifeste qu’un grand nombre d’évêques sont favorables aux réformes. Certes, il n’est pas agréable pour certains d’entre eux de constater que leur clergé leur préfère comme mandataires aux Etats généraux de simples curés. Plusieurs s’en plaignent dans les lettres qu’ils adressent au garde des Sceaux ou à Necker, et on ne saurait s’en étonner ; mais beaucoup d’autres, et non des moindres, se prononcent ouvertement pour les idées nouvelles. Même sur les questions religieuses, ils se piquent d’avoir les idées larges. Chabot, évêque de Saint-Claude, qualifie de « fléau » les biens de mainmorte. L’évêque de Chartres opine dès le 27 mai pour la réunion des trois ordres, et, lorsque cette réunion s’opérera, les archevêques de Vienne et de Bordeaux figureront en tête du clergé. Le lendemain du 14 juillet, l’archevêque de Paris, Juigné, qui n’est pas un prélat d’avant-garde, prend l’initiative d’un Te Deum en l’honneur du « rétablissement de la paix. » L’archevêque d’Aix, Boisgelin, est un des plus ardens, lors de la nuit du 4 août, à dénoncer les abus de la féodalité, et plusieurs de ses confrères, notamment Asseline, évêque de Boulogne, font chanter des Te Deum pour célébrer cette nuit historique. Au reste, Te Deum, bénédictions de drapeaux, messes en plein air sur les autels de la patrie, sermons civiques, saluent chaque étape de la Révolution. Tout cela ne dénote pas un parti pris contre-révolutionnaire. Il y a plus. L’archevêque de Bordeaux, Champion de Cicé, et celui de Vienne, Lefranc de Pompignan, sont pris pour ministres à ce moment, et le billet par lequel Louis XVI en informe l’Assemblée, est accueilli avec une « joie générale. » Lorsque fut voté le décret du 2 novembre qui mettait les biens du clergé à la disposition de la nation, l’archevêque de Bordeaux, comme garde des Sceaux, pressa le Roi de le sanctionner.

Continuons cette revue. Le clergé ne cherche pas à entraver