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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/152

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et, bien que la mise en vigueur n’en ait pas été très hâtée au début, les difficultés prévues ne tardent pas à se produire. Les évêques, même les plus libéraux, ne font rien pour en faciliter l’application, puisque le silence de Rome ne leur permet pas l’emploi des expédiens suggérés par eux, mais auxquels ils ne peuvent recourir de leur propre initiative. Ils se réfugient dans une attitude passive, tandis que les quelques opposans résolus ne se privent pas d’agir. Le Journal ecclésiastique est devenu aussi intraitable qu’il était accommodant quelques semaines plus tôt. Toutefois, rien n’est encore désespéré. Rome n’a pas parlé publiquement, et le Pape a même fait demander aux évêques membres de la Constituante par quels moyens ils croient possible de rendre la Constitution civile canoniquement exécutoire et d’éviter ainsi le schisme dont tout le monde déplorait l’éventualité. Sous le titre d’Exposition des principes sur la Constitution civile du clergé, Boisgelin rédigea un mémoire qui fut signé par 119 évêques, dont 30 faisaient partie de la Constituante, et par 98 autres députés ecclésiastiques. Ce travail fut non seulement adressé à Rome, mais publié. Il peut être regardé comme traduisant vraiment le sentiment réfléchi de la très grande majorité de l’épiscopat.

Qu’y trouve-t-on ? D’abord une condamnation de principe de la.Constitution civile, et certains n’ont su ou n’ont voulu y voir que cela. Mais on y trouve aussi autre chose et les intransigeans qui ont refusé leur signature ne s’y sont pas trompés. A côté de la « thèse, » il y a ce que les théologiens appellent l’ « hypothèse. » L’Exposition des principes est surtout un appel suprême au bon vouloir du Pape. « Nous n’avons pas seulement exposé les principes. Nous avons considéré leurs rapports avec les différentes mesures que peuvent occasionner les dispositions variées du zèle et de la religion dans des circonstances difficiles, et nous pensons que notre premier devoir est d’attendre avec confiance la réponse du successeur de saint Pierre… » La phrase est embarrassée, mais l’intention est claire, d’autant plus qu’un plan de conduite provisoire en 28 articles, à l’usage des évêques, était annexé à l’Exposition des principes. Ce plan n’était pas un plan de révolte : il suggérait au contraire tous les « tempéramens » permettant d’éviter une rupture immédiate, et d’attendre ainsi, sans créer l’irréparable, la décision de Rome.