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constitutionnel qui jettera la soutane violette aux orties : « Le Comité des affaires ecclésiastiques est si mal composé qu’il est difficile qu’il travaille bien. On va le recruter. » Cette lettre est du 5 février 1790. Le même jour Treilhard faisait sa proposition ; elle était adoptée sur-le-champ et les quinze nouveaux membres étaient élus le surlendemain. C’étaient presque tous des hommes de gauche, mais non des plus militans, et Lindet, qui n’en était pas, trouve que le Comité, « quoique renforcé, est encore bien faible pour le fardeau dont on l’a chargé. » Mais Lindet dut bientôt être rassuré. En effet, les deux évêques, suivis de sept membres de la droite et du centre, se voyant débordés, donnèrent leur démission. Elle fut refusée, mais, comme ils s’abstinrent désormais de paraître aux séances, les hommes de gauche restèrent sans contrepoids.

C’est ce comité ainsi remanié et épuré qui conduisit les affaires religieuses durant toute la Constituante. Il dépassa vite ses propres intentions et fut lui-même plusieurs fois dépassé par l’Assemblée. Ce n’est plus Durand de Maillane qui est rapporteur, c’est Martineau, avocat au parlement de Paris comme Treilhard, comme lui laborieux et rompu aux affaires ecclésiastiques, mais féru, lui aussi, de philosophisme, quelque chose comme un libre penseur qui aurait été janséniste. Dans le nouveau projet de Constitution civile, le nom du Pape n’était même pas prononcé. L’article 20, qui réglait la nomination des évêques, s’exprimait ainsi : « Le nouvel élu ne pourra s’adresser à l’évêque de Rome. Il ne pourra que lui écrire, comme au chef visible de l’Eglise universelle, en témoignage d’unité de foi. » Croire après cela qu’on pourrait obtenir du Saint-Siège au moins une acceptation résignée suppose une belle naïveté. Cette naïveté, certains ont pu l’avoir, mais c’est la pousser un peu loin aujourd’hui que de se demander, avec M. Mathiez, si le dessein de « rendre à l’Eglise de France une vie autonome, indépendante de Home » était « forcément incompatible avec le catholicisme. » On priait le Pape de vouloir bien se considérer dans l’Église catholique comme un organe récent et superflu. Si ce n’était pas chercher une rupture, c’était certainement la rendre inévitable. Lanjuinais, au cours du débat, a trouvé ici le mot juste : « L’Assemblée entend-elle faire des lois pour la religion catholique, ou pour une religion toute nouvelle qu’il lui plairait de fonder ? »