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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/466

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pure et vivante beauté franciscaine. Des salles entières de l’Académie de Sienne sont remplies de portraits (imaginaires) de saint François ou de scènes de sa « légende » qui, infiniment mieux que tous les récits de Thomas de Celano et des Trois Compagnons, valent à ressusciter devant nous l’âme authentique du saint ; et qui donc, parmi les visiteurs d’Assise, à la Basilique de la Colline du Paradis, ou à l’église Sainte-Claire, n’a éprouvé comme un frisson de surprise ravie, lorsque, au bas de quelque savante fresque florentine ou romaine, une petite Vierge siennoise des Lorenzetti, un groupe de Saints de Simone Martini, s’est mis soudain à lui chanter son adorable musique ? Qui n’a eu l’impression d’échapper tout d’un coup aux splendeurs et aux misères du monde d’alentour, pour se trouver délicieusement assis sur un tapis de fleurs, sous les vieux oliviers de la Portioncule, en compagnie du cher « jongleur du Christ » occupé à improviser quelque nouvelle strophe de son Cantique des Créatures ? Étonnante et exquise peinture, en vérité, qui semble s’insinuer à la fois dans nos cœurs par chacun de nos sens ; et depuis sa lumière, jusqu’à son parfum, rien d’elle qui ne nous paraisse directement jailli du grand cœur enchanté de saint François d’Assise !

Ainsi imprégnée d’images franciscaines, bercée de légères chansons que l’on dirait pareillement issues des lèvres mélodieuses du Poverello, la race siennoise ne pouvait manquer de donner à l’Italie l’héritier le plus parfait de l’esprit et de l’œuvre de l’apôtre d’Assise. Ce n’est pas sans motif que le vénérable peintre Sano di Pietro, dans le portrait quasi « officiel » qu’il nous a laissé de saint Bernardin sur l’un des murs du Palais Communal de Sienne, a représenté le vieux saint portant, dans l’une de ses mains, un plan en relief de sa ville natale. Plus encore que sa glorieuse compatriote et devancière, la plébéienne Catherine Benincasa, le patricien Bernardin degli Albizzeschi incarnait en soi le séculaire génie de sa race ; et lui-même s’en rendait compte très profondément, avec cette admirable justesse d’observation qui s’alliait chez lui à la flamme poétique, de telle sorte qu’il ne se lassait pas de proclamer, dans ses sermons, la force irrésistible du lien qui l’attachait à Sienne. Aussi bien personne n’a-t-il, avant ou après lui, défini plus exactement le caractère d’une race que notre Montluc allait appeler bientôt un « peuple de grands enfans, » et dont le cardinal du Bellay allait dire : « C’est une étrange bête que cette ville-là ! »


Je crois, — s’écriait notamment saint Bernardin, — que vous avez, au