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qu’avec la promesse qu’il disparaîtrait l’année suivante. En 1853, M. Gladstone était au pouvoir ; sans être aucunement un partisan doctrinal de cet impôt et sans lui reconnaître de vertus particulières, il obtint que la Chambre en votât la continuation en envisageant pour cette taxe une durée de sept années. A l’expiration de ce septennat, en 1861, alors que l’Angleterre faisait de nouvelles brèches dans son régime douanier et abandonnait de nouvelles recettes fiscales, M. Gladstone, de nouveau ministre, obtint le vote de l’income tax, sans promesse de limite de durée. Il déclarait, néanmoins, que la suppression de cet impôt serait une belle tâche pour un chancelier de l’Échiquier, mais qu’il n’osait espérer que ce fût jamais la sienne.

C’est ainsi que l’income tax ou impôt sur le revenu, après un abandon de plus d’un quart de siècle qui suivit sa suppression en 1815, après des résistances, d’autre part, qui se maintinrent durant vingt années depuis son rétablissement et qui ne le faisaient regarder jusque-là que comme une mesure provisoire, s’implanta définitivement, à défaut d’un système régulier d’impôts directs, dans la Grande-Bretagne.

Jamais aucun des partis britanniques, jamais aucun homme d’Etat britannique, n’a témoigné pour cet impôt rien qui ressemble à l’enthousiasme et au lyrisme dont font preuve, en ce qui le concerne, un certain nombre de radicaux français. Jamais ils n’ont célébré en lui de prétendues vertus d’équité. Ils l’ont appliqué comme un simple expédient, à défaut de mieux. C’est une étrangeté que de transformer la résignation avec laquelle les Anglais, dépourvus de tout système rationnel d’impôts directs, ont accepté et toléré l’income tax, en une sorte d’idolâtrie, comme celle que professent, à l’endroit de cette contribution, nombre de politiciens français.

On avait pris, d’ailleurs, chez nos voisins, toutes les mesures possibles pour que les vices d’un impôt général sur le revenu fussent autant que possible comprimés. L’impôt était strictement cédulaire, sans aucune recherche du revenu total, sans aucune déclaration à ce sujet, sauf de la part des personnes réclamant l’immunité totale ou partielle accordée aux très petits ou aux petits revenus. L’impôt nouveau ne faisait aucun double emploi avec des taxes existantes, puisqu’il n’y avait pas d’impôt sur le rendement des valeurs mobilières, ni d’impôt sur les patentes ou les bénéfices industriels et commerciaux et