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le revenu total dépassait 125 000 francs. Une dizaine de mille contribuables seulement, plus tard une douzaine de mille, proportion infime, fut assujettie à cette supertax. Nous venons de dire que, pour 1914-15, les propositions de M. Lloyd George comportent l’élévation jusqu’à 13 pour 100 de l’income tax et de la supertax réunis ; c’est à peu près l’équivalent de nos impôts actuels sur les valeurs mobilières au porteur.

L’introduction de cette surtaxe avait des conséquences graves : d’une part, elle donnait à l’impôt britannique sur le revenu un caractère nettement progressif, tandis que, auparavant, il n’avait guère qu’un caractère dégressif. Beaucoup de personnes considèrent ces deux expressions comme synonymes, c’est une erreur : nous avons, quant à nous, établi une différence très nette et aussi pratique que scientifique entre l’impôt dégressif et l’impôt progressif : l’impôt est dégressif quand le taux maximum de la taxe s’applique uniformément à la majorité de la matière imposable et que des dégrèvemens sont seulement accordés à la minorité de la matière imposable. L’impôt, au contraire, est progressif quand les taux élevés de la taxe ne s’appliquent qu’à la minorité de la matière imposable et à des couches de plus en plus minces de celle-ci. L’impôt progressif est donc infiniment plus dangereux que l’impôt dégressif ; il est sans frein, tandis que ce dernier a un frein ; l’impôt progressif comporte un arbitraire illimité[1].

L’inconvénient, le plus grand, toutefois, de l’introduction en 1909 de la supertax dans l’income tax britannique, ç’a été de transformer celui-ci, en ce qui concerne les gros revenus, d’impôt strictement réel en impôt personnel, et d’exiger la déclaration du revenu total du contribuable, quand un certain chiffre de revenu est supposé être franchi. La nature de l’income tax britannique a donc été profondément altérée par la mesure prise en 1909.

M. Lloyd George n’avait d’abord soumis à la supertax que les revenus supérieurs à 125 000 francs et pour l’excédent seulement de 75 000 francs. Mais, suivant une habitude qu’il a prise et dont il a déjà fait usage pour les droits successoraux, une fois la taxe et le taux admis pour les gros revenus, il a proposé, quelques années plus tard, de les appliquer à des revenus

  1. Voyez, sur ce sujet et sur l’application de l’income tax, notre Traité de la Science des Finances, 3e édition, 1912, t. I, p. 204.