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moindres : à partir du budget de 1914-15, la supertax frappera tous les revenus supérieurs à 75000 francs ; mais seulement pour l’excédent au-delà de 62 500 francs. On prête à M. Lloyd George l’idée, et il l’a, d’ailleurs, laissé entrevoir dans certains discours, d’appliquer graduellement à des revenus et à des successions moindres les taux élevés d’impôts qu’il avait fait voter d’abord pour des revenus importans ou d’importantes successions. Les contribuables moyens, qui voient parfois avec un malin plaisir charger les gros contribuables, devraient être avertis de l’application probable, avec le temps, à eux-mêmes, de cette échelle descendante. Ils devraient se rendre compte qu’il y a là une amorce, destinée à s’étendre, et la repousser dès le principe, alors qu’ils ne sont pas des victimes manifestement désignées ; mais la niaiserie du public est telle, qu’ils s’en accommodent pour autrui, sans se douter qu’ils créent, pour eux-mêmes, un précédent fatal.

L’income tax est donc devenu, pour les revenus un peu supérieurs, un impôt global, progressif et personnel. Robert Peel, M. Gladstone et leurs contemporains ne reconnaîtraient certainement pas l’instrument qu’ils avaient forgé et auquel le pays avait déjà eu de la peine à se résigner.

Il s’en faut, d’ailleurs, que la résignation, à l’endroit de l’income tax britannique, soit aussi générale qu’on le suppose sur le continent. Les plaintes, au contraire, les récriminations sont générales. En ce qui concerne les revenus commerciaux et professionnels, et, depuis l’introduction de la supertax, les revenus totaux des contribuables ayant un certain degré d’opulence, on est sous le régime de la fameuse « déclaration contrôlée. » En Angleterre comme en Allemagne, et ce devrait être aussi le cas en France, si l’on établissait le même système, les agens permanens de l’administration ne suffisent pas au contrôle des déclarations ; on est obligé de leur adjoindre des auxiliaires bénévoles pris parmi les commerçans, les industriels, les propriétaires, ayant une certaine situation ; ces auxiliaires bénévoles jouent un rôle très important dans l’assiette de l’impôt ; or, ils peuvent avoir un intérêt propre, professionnel ou autre, à connaître la situation de tel ou tel contribuable, à accroître ses charges ; c’est là une source d’énormes abus, contre lesquels notamment ont protesté très énergiquement les plus importantes Chambres de commerce britanniques.