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Quel pouvait être d’ailleurs l’effet de la campagne oratoire de la Fédération des Gauches ? Pour que le pays se prononçât clairement entre son programme et celui du parti radical plus ou moins atténué, il eût fallu que, dans chaque collège, il pût choisir entre deux candidats distincts : l’un défendant le programme de M. Briand, de M. Barthou et de M. Millerand ; l’autre celui de Pau. Or, d’une part, le programme de Pau était à peu près abandonné et les candidats du parti radical faisaient des déclarations à ce point contradictoires qu’ils soulevaient l’indignation de M. Camille Pelletan ; de l’autre, il était matériellement impossible à la Fédération des Gauches de présenter des candidats dans tous les collèges : elle se heurtait à des positions déjà prises, à des candidatures de tel ou tel autre groupement qui ne laissaient aucune place à de nouvelles formations de combat. Du reste, la Fédération des Gauches était une association trop récente pour pouvoir organiser la bataille sur tous les points du territoire ; elle devait surtout aider l’association qui se rapprochait le plus de ses idées, l’Alliance Républicaine démocratique, présidée par M. Adolphe Carnot. Or tous les efforts de M. Carnot tendaient à faire approuver par le suffrage universel les sacrifices consentis par les Chambres en faveur de la défense nationale. Son Comité avait, dans cette intention, accompli une évolution indispensable : s’il entendait pratiquer, comme par le passé, une politique d’union républicaine, c’était sans pousser l’abnégation jusqu’à s’unir aux socialistes. Il entendait au contraire leur barrer la route et ne s’allier qu’aux républicains résolus à les combattre.

Le choix des candidats semblait incomber au Comité déjà ancien de M. Adolphe Carnot, tandis que la propagande d’idées était réservée à la Fédération des Gauches. Mais ces associations n’ont peut-être pas assez compris que les deux méthodes d’action sont inséparables et qu’il est vain de prononcer d’éloquens discours, si l’on manque de candidats. Depuis longtemps, l’Alliance Républicaine démocratique aurait dû choisir ces candidats et organiser des comités locaux pour leur prêter une aide efficace : œuvre lente et difficile qui exige des ressources importantes, des efforts nombreux et persistans, non point à la veille des élections, mais pendant toute la durée de la législature. Pour l’accomplir, il eût fallu que la Fédération des Gauches se constituât beaucoup plus tôt, afin de changer les habitudes