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principes. » Quelques lignes plus bas, elle ajoute : « La vie apprend beaucoup, mais, pour toute personne qui réfléchit, elle rapproche toujours davantage de la volonté de Dieu, non pas que les facultés s’affaiblissent, mais au contraire parce qu’elles s’accroissent. » En effet, les croyances religieuses et chrétiennes de Mme de Staël s’étaient affermies et précisées dans les dernières années de sa vie. Durant les longues nuits d’insomnie qui précédèrent sa mort, on l’entendait répéter à haute voix : « Notre père qui êtes aux cieux. » L’aspect un peu païen du monument où elle repose ne révèle cependant point ces espérances qui avaient consolé sa douleur et soutenu ses derniers jours : il y manque un signe extérieur, un symbole, quelque chose qui parlé aux yeux. Mais ces espérances s’affirment sur d’autres tombes, que le même petit bois recouvre aujourd’hui de son ombre paisible. Un caveau creusé au pied du monument a successivement reçu la dépouille du fils de Mme de Staël, celle de sa belle-fille, qui a porté avec modestie et dignité pendant près d’un demi-siècle ce nom illustre, et enfin celui de sa petite-fille[1]. Sur cette dernière tombe a été gravé, d’après l’indication expresse de celle qui y repose, ce verset de l’Evangile selon Saint Jean : « Et c’est ici ma volonté que quiconque contemple le fils et croit en lui, ait la vie éternelle. C’est pourquoi je le ressusciterai au dernier jour. » Cette foi en la résurrection qu’elle avait transmise à ses descendans fut une croyance commune à Mme de Staël, à son père, et à sa mère. À ces trois nobles êtres, celui qui écrit ces lignes a consacré ses premières études littéraires. En les reprenant et en les complétant aujourd’hui, il achève d’acquitter une dette, car à tous les trois, comme à ceux qui ont perpétué jusqu’à lui leurs traditions, il a le sentiment qu’il doit presque tout du très peu qu’il est.


Haussonville.
  1. C’est en 1876 qu’est morte la baronne Auguste de Staël, née Vernet, qui a laissé le château de Coppet à la comtesse d’Haussonville, petite-fille de Mme de Staël par sa mère la duchesse de Broglie.