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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/916

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toujours plus grande et font une impression singulière par leur merveilleuse configuration. La plaine, au sol remarquablement fertile, est, par endroits, très bien cultivée. De grandes fermes ou haciendas s’étendent, semblables à des oasis, au milieu de ce pays plat, inculte et peu habité.

Ici et là, s’élèvent de modestes villages et des villes insignifiantes. San Miguel de Allende attire particulièrement mon attention par la bizarrerie de ses monumens. Les citadins montrent avec une grande fierté leur église San Miguel, aux tours élancées. Elle est l’œuvre d’un architecte du lieu, Cefferino Gutierrez, fils de pauvres Indiens, qui vécut au milieu du XIXe siècle et, visiblement, s’éprit du style néo-gothique qui, en Europe aussi, eut un si fâcheux développement. Plusieurs églises construites par lui rappellent les gâteaux montés des pâtisseries.

A part cette confusion du goût, ces constructions sont bien dans leur cadre. Les murs blancs sont d’un très bel effet dans les pays ensoleillés, et la végétation semi-tropicale forme un fond admirable. Des palmiers toujours plus nombreux, des cactus couvrent l’étendue dans toutes les directions. Quoique la température soit sur ces hauteurs généralement agréable, je me trouve pourtant dans le pays chaud et il prend de plus en plus un aspect exotique.

Je m’aperçois alors combien banal paraît ici mon Pullman car. Et ce qui m’est particulièrement désagréable, c’est la vulgarité bruyante de mes compagnons de voyage : marchands étrangers, commis voyageurs, tous gens d’affaires se rendant en masse au Mexique pour y faire fortune. Ils sont de toutes classes sociales, mais de mauvaise éducation, gagnant de l’argent moins par le travail que par la spéculation. On les trouve partout et ils sont devenus un vrai type.

Leur ton et leur manière de parler sont extrêmement fatigans. Ils jugent de tout uniquement au point de vue pratique et méprisent toute opinion opposée à la leur. Civilisation est pour eux synonyme de richesse. Ils trouvent que les indigènes qui ne s’habillent pas à la mode américaine sont des barbares, et, quand ils ne payent pas de coktail, ne fréquentent pas les bars ou autres établissemens de ce genre, leur mépris pour eux n’a plus de bornes.

Fatigué de la conversation, de la désagréable odeur de tabac et d’eau-de-vie, de la fausse élégance du wagon-salon avec ses