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dépenses pour leur intérieur, ils préfèrent y vivre simplement et employer leur argent en voyages.

De plus, on ne doit pas oublier que la vie de société n’a jamais été développée dans les colonies espagnoles. En revanche, la vie de famille y a conservé son intimité. En général, la porte ne s’ouvre qu’aux parens ou aux amis intimes. A part quelques fêtes, quelque événement de famille, elle reste toujours fermée. Tout au plus les femmes se font quelques visites entre elles, les hommes jamais. Même celles qu’ils rendent à leur fiancée se passent dans la rue et le futur époux n’a le droit de lui parler qu’à travers le grillage de la fenêtre.

Même aujourd’hui, on reconnaît là l’influence orientale. De la domination arabe, il reste en Espagne des monumens célèbres, et leur civilisation a laissé son cachet indélébile sur la mentalité du peuple. Jusqu’aux colonies, éloignées de la métropole, des souvenirs de l’époque des califes demeurent toujours. Les merveilleuses azulejos sont des débris mauresques. Les incrustations de faïence blanche et bleue proviennent de l’architecture musulmane. La pierre rougeêtre, la célèbre tezoutle avec laquelle presque tous les palais sont construits ici, est d’un ton riche et agréable. Le basalte ou le marbre sont employés pour les frises et les décors des fenêtres et des portes. L’ancien collège des Jésuites, les palais du comte Santiago de Colimaya ou de l’empereur Iturbide rappellent tous le style mudejar ou hispano-mauresque. Actuellement, le collège des Jésuites, avec sa masse sombre, occupe encore un grand quadrilatère ; quoique mutilé, il nous fait pressentir sa splendeur disparue. Le palais Colimaya sert de dépôt de fer ; son patio entouré d’une double rangée de colonnes et son escalier d’honneur tombent en partie en ruines. Mais les gargouilles originales, en pierre taillée imitant l’affût d’un canon, servant de gouttières, sont encore en place.

Le fier palais Iturbide, le plus grand de la ville, est devenu depuis longtemps une fonda ou casa de huespedes dans la signification locale du mot, à coup sûr, pas un hôtel ! A l’époque des diligences, les auberges n’offraient guère aux voyageurs que leurs quatre murs, c’étaient des sortes de caravansérails ou des fondak du désert. Plus d’un demi-siècle après, la fonda Iturbide continue le même système primitif, n’ayant fait comme unique progrès que transformer son enseigne en « Grand Hôtel