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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/939

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Pellissier. Le titre seul indique la tendance du livre et l’introduction en précise l’objet. « Le théâtre shakspearien, y est-il dit, en propres termes, nous apparaît comme un énorme fatras où brillent, çà et là, quelques scènes de premier ordre… Ayons le courage de le dire, ce « dieu du théâtre » est un très mauvais dramatiste. Nous montrerons qu’il taille ses pièces à coups de hache, que l’invention lui manque, que son pathétique relève en général du mélodrame et son comique de la farce, qu’il n’observe le plus souvent ni la vérité matérielle, ni la vérité morale, qu’il ne sait pas composer un personnage, qu’il substitue des effets de scène ou des déclamations ampoulées à l’analyse psychologique, qu’il prend enfin la place de ses acteurs pour parler lui-même par leur bouche. » Et M. Georges Pellissier le fait comme il le dit. S’étant tracé ce programme, il l’exécute point par point, avec méthode, avec régularité, avec application. Il examine d’abord la « composition, » pour en signaler ce qu’elle a de gauche, de factice, d’incohérent, et qui dénote un art rudimentaire. De là il passe aux « conventions » consistant en artifices que dédaignerait le dernier des vaudevillistes. Abordant ensuite l’ « invention, » il constate que Shakspeare ne tire presque jamais ses sujets de son propre fonds et que souvent, en les empruntant, il les gâte. Par exemple dans la nouvelle française de Belleforest, le caractère et la conduite d’Hamlet ne présentent pas ces incohérences qui, dans la pièce de Shakspeare, le rendent inintelligible. Et c’est bien mieux. Le chapitre sur les caractères comporte plusieurs subdivisions : les personnages incohérens — ils sont légion, — les personnages mal représentés — entre autres le roi Lear ; — quant aux personnages de femmes, il y en a d’excellens : Portia, Mme Ford et Mme Page, la nourrice de Juliette ; mais les autres ne méritent pas autant d’éloges. Ophélie n’existe pas. Desdémone est d’une niaiserie incroyable, etc. Cela continue ainsi pendant trois cents pages. Pendant trois cents pages, l’élève Shakspeare reçoit sur les doigts les coups d’une férule impitoyable… Est-ce un badinage ? Je ne crois-pas. Le livre a l’air des plus sérieux. Tel qu’il est, et à la date où nous sommes : 1914, il étonne. L’auteur nous avertit qu’il n’a voulu faire que la « critique des défauts. » Et nous nous en apercevons bien. Tout de même, ils sont trop !


M. Arthur Meyer publie en volume la pièce de théâtre qu’il a fait représenter aux Bouffes-Parisiens : Ce qu’il faut taire. Dans un court avertissement il indique, de la meilleure grâce du monde, quelles raisons l’ont fait s’aviser, vers les soixante-dix ans, de débuter à la