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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/100

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ailleurs que dans les dogmes et les institutions chrétiennes les bases de la morale. Pour réagir contre la dissolution à laquelle avait abouti une société qui n’avait plus pour la conduire que la religion affaiblie du XVIIIe siècle, c’est aux plus belles des philosophies antiques que l’on emprunte des préceptes. Ce sont les stoïciens, c’est Lycurgue, c’est Socrate et Platon que l’on prend comme éducateurs du peuple. Nous touchons ici à la grande question des rapports de l’antiquité avec la religion chrétienne, et c’est un point capital, celui que nous considérons comme le plus important de notre étude et qu’il importe d’étudier avec une particulière attention.


En imitant l’Antiquité, l’art de la Révolution ne fait qu’obéir à cette tendance dont toute l’histoire nous donne des preuves et qui fait que tout recul de la pensée chrétienne a comme conséquence dans les arts une recrudescence de l’influence antique. Toute l’histoire, depuis la Renaissance jusqu’aux temps modernes, est marquée par cet antagonisme entre l’Antiquité et le Christianisme, et il convient de le rappeler en quelques mots.

La Renaissance, créée à Florence, ne s’y était pas développée depuis un demi-siècle qu’elle apparut comme une force hostile à la pensée chrétienne et a sa morale ; une terrible réaction se fait contre elle : Savonarole brûle les œuvres d’un Botticelli, les Médicis sont chassés de Florence et c’est le Christ lui-même que l’on prend comme patron de la République florentine épurée.

Repoussée de Florence, la Renaissance trouve un nouveau terrain pour se développer à Rome même, lorsque deux Médicis sont appelés sur le trône pontifical. Mais là encore cette Renaissance est de courte durée. Comme à Florence, elle s’était manifestée avec un caractère de sensualisme que les vrais chrétiens ne peuvent admettre. Le monde chrétien s’insurge, Luther provoque la séparation des peuples du Nord, et la Papauté doit reconnaître que cette Renaissance, qu’elle avait si imprudemment favorisée, lui est néfaste. La réaction est violente à Rome comme elle l’avait été à Florence, mais cette fois plus puissante et plus durable. Le Concile de Trente donne le signal de cette orientation nouvelle du monde moderne, et les papes de la fin du XVIe siècle et du XVIIe créent cette grande restauration religieuse qui se manifeste dans les arts par les styles connus sous les noms de Baroque et de Rococo.