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quelques artistes d’Italie ; mais de tout cela que serait-il résulté ? S’il n’y avait pas eu la Révolution, l’influence de l’antiquité se fût bornée à développer le style du XVIIIe siècle : elle aurait pu produire un Canova, un Piranesi, un Raphaël Mengs, mais jamais un David.

Ce sont d’autres causes, et nous venons de les étudier, qui ont formé l’art de la Révolution et l’ont marqué de ses caractères essentiels. Cependant cet art est classique, et il faut dire pourquoi il l’a été. Il est classique parce qu’il a trouvé dans les formes antiques le moyen de réaliser toutes les pensées qui lui tenaient tant au cœur : il est entraîné au classicisme par ses tendances idéalistes, par sa lutte contre la monarchie, et surtout par son hostilité à la religion chrétienne. L’imitation de l’art antique ne fut pas son but, mais son moyen d’expression.

L’idéalisme, ainsi que nous l’avons dit, pousse à la recherche de formes supérieures aux formes vivantes. Mais cette nature idéale dont les artistes parlent et au nom de laquelle ils veulent tout réformer, ce n’est qu’un mot, une pure abstraction. Notre esprit ne sait rien créer et n’est qu’un miroir ; et, au lieu de la beauté originale qu’ils croient trouver, ils n’y voient qu’un reflet des statues antiques, et, en les voyant si différentes de l’humanité moderne, ils conçoivent cette idée que les anciens ont déjà réalisé le critérium qu’ils poursuivent et que, pour peindre la nature idéale, il suffit de revenir aux formes créées par l’antiquité et de les imiter.

La lutte contre les traditions monarchiques fut une autre cause qui poussa la Révolution à recourir aux exemples de l’Antiquité. Dans l’âpre combat qui se livre, tout ce qui, de près ou de loin, rappelle l’ancien régime devient suspect. Toute notre histoire, tout notre passé national, toutes nos gloires françaises, doivent être oubliées. Il faut remonter au-delà du Moyen âge ; bien plus, il faut remonter au-delà même de l’Empire des Césars. Les leçons d’héroïsme et de vertu que l’on veut donner aux citoyens de la République naissante, seules les Républiques de l’Antiquité sont jugées dignes de les offrir. Ce sont les héros des Thermopyles et de Marathon, ce sont les héros de Plutarque, les Horaces, les Coclès, les Scevola, que l’on offre comme modèles aux générations nouvelles.

Pour des motifs analogues, la lutte contre l’Église porte à oublier les grands penseurs du Moyen âge et à rechercher