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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/103

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Louis XIV se croit trop grand pour accepter un autre pouvoir à côté du sien, fût-ce celui des Papes ; il tient dans son royaume une place trop importante pour que celle de Dieu n’en soit pas un peu diminuée. Dans cette divinisation de sa personne, la religion va passer au second plan. Les deux principales églises qu’il construisit furent deux monumens qu’il éleva à sa gloire : l’une la Chapelle de son château de Versailles, véritable salle de spectacle ; l’autre, le Dôme des Invalides fait pour célébrer ses victoires. Le grand acte de son règne ne sera pas de construire une église, mais un palais. Versailles dit tout. Tout l’or, tout le sang d’un peuple va passer dans la construction de la demeure du Roi. Pendant un quart de siècle, tous les artistes de France, enchaînés à cette œuvre colossale, perdent de vue toute pensée religieuse, et, véritables disciples de l’antiquité, ils consacrent tous leurs efforts à faire revivre la mythologie païenne et à couvrir de nudités les salons du palais et les bosquets des jardins. Comme pensée, comme monument d’architecture, comme formes des arts plastiques c’est déjà le XVIIIe siècle qui est créé.

Sous Louis XV, le mouvement ne fait que s’accentuer, l’amour de l’antiquité augmentant à mesure que le sensualisme pénètre davantage dans les mœurs. La pensée chrétienne va déclinant d’une marche lente mais sans arrêt. Le mot de religion peut bien être encore sur les lèvres, mais ses vertus ne sont plus dans les cœurs. La religion subit de nouveaux assauts avec les philosophes, avec Voltaire, Diderot, d’Alembert, Rousseau, et lorsque la Révolution arrive, lorsque pour la première fois depuis le début de l’ère chrétienne, elle fait apparaître une politique qui se dit nettement anti-chrétienne, elle ne fait qu’achever l’œuvre commencée depuis plus d’un siècle.

C’est donc en réalité du règne de Louis XIV qu’il faut faire partir tout le mouvement du néo-classicisme, et, pour achever de préciser cette thèse, nous montrerons en quelques mots cette apparition et cette évolution du style néo-classique dans les diverses branches de l’art depuis le XVIIe siècle jusqu’à la Révolution.

L’art de l’architecture sera le premier à nous donner des exemples particulièrement frappans. Si l’emploi des formes antiques peut se comprendre dans la construction d’un édifice civil moderne, sans qu’il y ait lieu de tirer de ce fait aucune déduction spéciale, car il ne présente rien d’anormal, il n’en