Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est plus de même lorsqu’il apparaît dans un édifice religieux, surtout lorsqu’il y devient prépondérant ou exclusif. Il prend alors une signification que l’on ne saurait méconnaître. Il dit que le sentiment religieux n’est plus assez fort pour maintenir les formes purement chrétiennes, que l’expression de la beauté peut suffire à satisfaire les esprits et fait passer au second plan l’expression de l’idée religieuse. Là où cette pensée demanderait des bas-reliefs, des statues, des tableaux représentant des sujets religieux, on se contentera de placer des colonnes, des pilastres, des corniches et des frontons.

Il ne s’agit pas ici de savoir si les formes grecques sont plus ou moins belles que les autres formes d’architecture, ni même de savoir si elles n’ont pas le défaut de ne pouvoir facilement être utilisées dans nos pays du Nord ; la question fondamentale est de constater qu’elles n’ont rien qui les relie à la pensée chrétienne. La colonne qui est un support, le fronton qui n’est que la forme d’une toiture, peuvent fort bien être conservés dans une architecture chrétienne, mais à la condition que, à côté de ces élémens constructifs, il y ait autre chose, des formes disant que l’édifice n’est plus un temple antique, mais une église chrétienne. Cela, ce que Bramante et les maîtres de la Renaissance n’avaient pas vu, les Papes de la Contre-Réforme le comprirent. Ils pensèrent que les chrétiens pouvaient encore se servir de l’architecture grecque, mais à la condition de la transformer et ils créèrent un art nouveau, un art qui tenait encore du classicisme, mais qui, sur certains points, s’en éloignait tellement que les vrais classiques le combattirent avec acharnement et le flétrirent en lui donnant ce nom de Baroque sous lequel nous le désignons encore aujourd’hui.

Le Baroque sans doute pénétra à Paris, mais il n’y poussa pas de profondes racines. C’est surtout sous le règne de Louis XIII qu’il fut apparent, créant entre autres les églises de Saint-Paul-Saint-Louis, de la Sorbonne et du Val-de-Grâce. Sous Louis XIV, c’est encore au Baroque que l’on doit cet immortel chef-d’œuvre qu’est le Dôme des Invalides. Mais ce style ne se développe pas, et l’église de l’Assomption, faite par Errard dès 1610, avec sa forme ronde, sa coupole et son portique montre comment la France laisse rapidement tomber les caractères chrétiens pour retenir surtout les caractères classiques. Plus tard sous Louis XV, dans diverses façades, dans celles de