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grande époque du Moyen âge. Dans l’histoire de l’art, à côté du Dôme de Saint-Pierre de Michel-Ange qui dit toute la grandeur du Christianisme, seul peut être placé cet Arc dont la courbe puissante dit toute la valeur héroïque de l’âme française.


§ III. — LA SCULPTURE

La sculpture aurait pu être l’art le plus florissant de la Révolution, puisque c’est par-là que l’on pouvait le plus ressembler à ces Grecs et à ces Romains que l’on voulait imiter, et parce que l’art de la sculpture semble fait, plus que tout autre, pour glorifier les héros. Mais on n’eut pas le temps de sculpter, et de plus la sculpture est un art coûteux pour lequel il faut des familles riches ou un état social très prospère. C’est pourquoi les belles sculptures se rencontrent surtout dans la période Louis XVI qui prépare la Révolution et dans la période de l’Empire qui la termine.

Sous Louis XVI, le charme de la pensée française se manifeste par des œuvres d’une grâce enchanteresse. On en peut juger au Louvre par la Diane de Houdon, par la nymphe Amalthée que Julien fit pour la laiterie de Marie-Antoinette et par les œuvres de Pajou, telles que la Psyché ou les admirables figures allégoriques de la façade du Palais-Royal.

Avec la Révolution cette grâce disparaît ; tout s’oriente vers les recherches d’énergie. Au Louvre l’Homère de Roland est une figure d’une héroïque grandeur. On a aussi de beaux exemples du style de la Révolution dans les vingt-huit grandes figures faites à la fin du siècle, pour le Sénat, par les plus grands sculpteurs de l’époque, Chaudet, Gois, Cartellier, Bridan, Ramey, Moitte. Et je ne sais pas dans l’art beaucoup d’œuvres plus belles que les nobles statues de Déitès, qui sont aujourd’hui placées aux Tuileries, à côté de l’Arc de triomphe du Carrousel[1].

A une époque où les grandes statues sont rares, il ne faut pas négliger les œuvres de moindre dimension, les œuvres d’un

  1. Ces deux statues, la France victorieuse, et la Muse de l’Histoire, les plus représentatives, à mon sens, qu’il y ait à Paris de l’Art de la Révolution (République ou Empire) sont l’œuvre du sculpteur François-Antoine Gérard, né en 1760. Faites en 1812 pour la Cour des Tuileries, elles furent enlevées et mises à leur place actuelle en 1877. Deux autres statues, œuvres de Petitot, qui les accompagnaient, ont alors été brisées et jetées aux gravats. (P. Marmottan. Les quatre statues décoratives de l’ancienne Cour des Tuileries.)