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la sévérité jacobine qui ne convenait plus pour exprimer les triomphes et les joies d’un peuple vainqueur de toute l’Europe.

Napoléon, grand comme les Césars, veut une architecture semblable à la leur. Et jamais le monde n’a été plus vraiment classique. Lorsque Napoléon projette de construire le Temple de la Gloire, aujourd’hui la Madeleine, les architectes chargés de juger le concours donnèrent le premier prix à de Beaumont. Mais Napoléon se refusa à ratifier leur jugement. L’œuvre choisie était peut-être la plus belle du concours, mais il estimait qu’elle rappelait trop les formes antérieures, qu’elle pouvait faire songer à une église, et il dit ces paroles bien significatives : « Je ne veux pas une église ; pour le Temple que je rêve, seules peuvent convenir les formes d’un Temple grec. » Et son Temple fut un Temple grec. Jamais cela n’avait été fait depuis la chute de l’Empire romain, et cela n’a pas été refait. Comparée à la Madeleine, construite superbement avec les admirables matériaux de la France, toutes les imitations antiques tentées depuis lors dans d’autres pays ne sont que de pauvres pastiches sans grandeur et sans beauté.

Ce n’est, il est vrai, qu’une copie, et il ne faut pas faire de copies ; mais ici Napoléon a eu raison de la faire. Comme son œuvre est belle ! et, si elle cessait d’être, comme nous comprendrions qu’une des grandes beautés de Paris serait perdue !

Les constructions de l’Empire furent très nombreuses non seulement en France, mais pour ainsi dire dans toute l’Europe. Un grand style d’architecture se crée, œuvre de Percier et Fontaine, où se réunissent dans une union parfaite les sentimens de grandeur et d’élégance : la grandeur des héros faisant la conquête du monde, et l’élégance de cette Cour que le maître réunissait autour de lui à Paris.

Mais, à côté et au-dessus des monumens et des palais, une œuvre de génie domine cet âge, l’Arc de triomphe de l’Étoile où revit la puissance des Césars, plus beau que tous les arcs de triomphe de l’ancienne Rome. C’est un des plus admirables exemples des effets de puissance que la simplicité peut produire en architecture. Là ont disparu tous ces ornemens qui enrichissent les arcs de triomphe romains, mais qui en affaiblissent la force, et là prédomine un caractère bien français, cette idée de verticalisme que Louis XIV avait conservée au Dôme des Invalides et qui est chez nous un des plus précieux legs de notre