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et non celle d’un voluptueux Vénitien pour chanter le héros d’Austerlitz.

Napoléon n’a pas eu de sculpteur.


§ IV. PEINTURE

Plus que la sculpture, la peinture, procédé plus rapide, moins coûteux et surtout plus expressif, fut l’art de cette époque. Le plus grand artiste de la période révolutionnaire fut un peintre, David. Il eut ce privilège de la voir naître et de lui survivre. Sans un jour de disgrâce, il fut le peintre de la Révolution dans toutes ses phases successives, le peintre de la République et le peintre de l’Empire : et dans son art on trouve réunis tous les élémens qui constituent le style nouveau.

La Révolution, qui a conscience de la grandeur de ce qu’elle fait, qui croit accomplir un des plus grands actes de la vie de l’humanité, désire voir éterniser son œuvre par ses artistes. Les grandes journées de la Révolution sont des événemens qui, plus que tous autres, doivent passionner le peuple et lui être donnés en exemple. Et c’est ainsi que David représentera des motifs tels que celui du Serment du jeu de Paume et de la Remise des Aigles.

A côté de ces faits glorieux qui sont l’œuvre du peuple, et afin de les provoquer, afin d’exalter les citoyens et de les élever à la hauteur du rôle héroïque qu’ils doivent jouer, l’art ira chercher dans l’histoire du passé les plus hautes leçons qu’elle peut donner. Et ces leçons, on les demandera, non pas à cette monarchie française contre laquelle on est en lutte, mais aux Républiques antiques, à celles de la Grèce et de Rome. Le Serment des Horaces de David marque une des dates les plus importantes de l’histoire de l’art. Avec ce tableau, c’est tout un monde qui finit et une ère nouvelle qui commence. C’est le réveil de la France après de longs jours de sommeil, c’est l’énergie rentrant dans le cœur des hommes, chassant la mollesse et les vices qui les anéantissaient.

A la suite de David, d’autres artistes, tels Lethière et Guérin, recueilleront son héritage et le surpasseront en énergie. Elève de Vien, David avait conservé des qualités de tendresse auxquelles il ne renonça jamais. Plus que lui, ses élèves furent entièrement façonnés par l’esprit nouveau.