Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il a prêté, la position que vous voudriez lui faire. » Un tel argument n’était pas de nature à déconcerter Jules Favre : « Cette position, riposte-t-il, c’est la France qui la lui donnerait, il n’aurait donc à violer aucun serment. »

La haine révolutionnaire se démasquait. L’illusion révolutionnaire s’étala aussitôt. Haentjens, étonné comme beaucoup d’autres, de ce que le gouvernement n’accompagnât ses graves révélations d’aucune mesure nouvelle, avait proposé l’appel sous les armes de tous les hommes mariés ou non, de vingt à trente-cinq ans. « La Prusse, avait-il dit, a jeté une partie de sa population armée sur la France, faisons de même. — Prenez l’âme de la nation, dit Jules Favre, en lui donnant la liberté. — On ne peut lancer les masses que révolutionnairement, » ajoute Garnier-Pagès.


X

La séance finissait quand la nouvelle du désastre de Sedan arriva officiellement au ministère de la Guerre et aux Tuileries : « L’armée est défaite et captive ; moi-même je suis prisonnier. — NAPOLEON. » Le directeur du télégraphe de Vougy allait d’ordinaire porter lui-même les dépêches à l’Impératrice. Il n’ose lui remettre celle-ci ; Chevreau se charge de la cruelle communication. Depuis le jour où le mouvement vers Bazaine avait été commencé, la malheureuse femme se soutenant par du café, essayant ensuite de trouver un peu de repos par le chloral, passait les journées entières la tête courbée sur une carte, hâtant le mouvement de sa pensée fiévreuse, tressaillant au moindre bruit, comme si on lui apportait la dépêche décisive. Elle était là, cette dépêche ! L’Impératrice fut foudroyée.

Cependant, dominant son désespoir, elle convoque en conseil ses ministres, les présidens des deux Chambres, les membres du Conseil privé. Si l’on avait voulu aller jusqu’au bout de la politique désespérée dans laquelle Palikao semblait s’être engagé le matin, les mesures à adopter étaient simples et s’imposaient sans longues délibérations. En premier lieu, demander au Corps législatif et au Sénat (le sénatus-consulte de régence du 17 juillet 1856 n’ayant pas prévu la captivité du souverain) de décider que l’article 9 serait applicable à ce cas, et que, jusqu’à la délivrance de l’Empereur, l’Impératrice régente exercerait, pour