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l’Empereur captif, l’autorité impériale dans toute sa plénitude, sans tenir compte des restrictions du décret constitutif de la régence, sauf les droits attribués au Conseil de la régence. En second lieu, annoncer que des plénipotentiaires allaient être immédiatement envoyés au quartier général allemand pour traiter de la paix et de la délivrance de l’Empereur. En troisième lieu, ajourner par décret le Corps législatif à une date déterminée, dans une ville à l’abri de l’invasion, et, par un autre décret, y transporter le gouvernement afin de lui assurer sa liberté d’action. Un gouverneur militaire, investi de pouvoirs dictatoriaux, suffisait à Paris.

Ces mesures adoptées, il fallait sur l’heure réunir le Corps législatif avant que la passion publique fût en émoi, de manière que le lendemain, à son réveil, la population de Paris et de la France apprit en même temps la catastrophe et les mesures qu’elle avait dictées.

On avait tous les moyens matériels nécessaires de soutenir cette vigoureuse politique. Il y avait à Paris 45 000 hommes de troupes, sans tenir compte de la masse inutile des isolés et des dépôts, et plus de 90 000 gardes nationaux. La garde nationale, si on la comptait pour un péril plutôt que pour une force, malgré les élémens très bons qu’elle contenait, pouvait n’être pas convoquée. Dans le 14e corps en formation, de jeunes soldats mal instruits sur lesquels on ne pouvait faire grand fonds rendaient nos 13 500 mobiles assez peu sûrs aussi, mais 9 000 marins et 10 à 12 000 sergens de ville, douaniers et gendarmes, 16 000 hommes des armes spéciales (artillerie et génie) suffisaient[1], s’ils se sentaient en mains et commandés avec décision, à tenir en respect les quelques milliers d’anarchistes et de repris de justice disposés à un coup de force que la grande majorité de la population redoutait. « Qui sait même, a écrit le républicain Taxile Delord, si, montant à cheval et parcourant tous les quartiers d’une ville qui contenait près de cent mille plébiscitaires et un peuple de femmes faciles à émouvoir, l’Impératrice, en prenant la parole comme mère, n’eût pas réussi à rallier une partie de la population autour de la souveraine ? »

Il reste donc probable qu’une résistance, à la fois matérielle et morale, pouvait réussir. Eût-elle échoué, comme c’était

  1. Ces chiffres sont établis dans le rapport Chapper.