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général des Postes, » jusqu’à ce qu’un édit de Henri IV (1608) confiât ce rôle, précédemment imaginaire, à un « général des postes » en chair et en os : ce fut Guillaume Fouquet de la Varenne, longtemps porteur attitré des « poulets » d’amour et même un peu proxénète du Vert-Galant. Son successeur (1612) Pierre d’Alméras, fils d’un partisan de Languedoc, riche financier lui-même, qui paya cette charge 2 500 000 francs, s’avisa que les courriers officiels, « tenant la poste pour le Roi » le long des grandes routes, feraient, avec les chevaux frais dont ils étaient propriétaires, une concurrence utile aux messagers qui voyageaient lentement pour ménager leurs montures.

Aux estafettes qui portaient les dépêches de la Cour il permit de se charger de celles du public ; puis, l’innovation ayant réussi, il établit des courriers ordinaires, — l’adjectif devint rapidement un substantif : « le prochain ordinaire, » — partant et arrivant à jour fixe et les multiplia, ainsi que les bureaux, au fur et à mesure des besoins et de la clientèle. Des lettres patentes donnant à Aimeras juridiction sur les maîtres de poste, c’est-à-dire créant quelque cohésion, et un premier tarif, bien succinct, des ports de lettres (1625), telles furent les deux mesures, noyées au milieu du fatras d’ordonnances fiscales d’un jour, qui se trouvèrent amorcer sans bruit l’un des organismes vitaux de la société future. La hiérarchie, tentée par Aimeras, fut repoussée d’abord aussi bien par les agens qu’il s’agissait d’embrigader que par les autorités provinciales qui prétendaient garder ces subalternes sous leur dépendance ; le tarif, mal accepté du public qui préférait marchander avec les courriers, ne prit force de loi qu’au bout d’une vingtaine d’années ; délai assez bref pour qui connaît les embarras d’un mécanisme nouveau, qu’entravait par surcroit la guerre étrangère : en effet, les maîtres de poste, déjà très irrégulièrement payés, avaient été réquisitionnés pour former des compagnies de postillons militaires et, par suite de cette levée malencontreuse, « les postes, écrit Richelieu, périssent tout à fait (1642). »

Depuis dix ans, Aimeras, à cette époque, n’était plus en’ fonctions. Son successeur, Jérôme de Nouveau, courtisan assidu quoique ridicule, jugea sans doute insuffisant à sa gloire le titre de« surintendant des postes, » car il acheta successivement ceux de « capitaine de la meute des petits chiens blancs pour le cerf » et de « grand trésorier des Ordres du Roi, » ce dernier