plus belle « espérance, du feu, de l’esprit naturel, et la fierté de son origine. » Sa mère ajoutait qu’elle était en tout cas décidée à quitter l’Amérique, et que, si sa demande était repoussée, elle vivrait autre part en Europe, que la pension que lui servait l’Empereur remplissait d’ailleurs tous ses vœux, et qu’elle ne désirait rien de plus.
Elle devait attendre jusqu’à la chute de Napoléon pour réaliser ce projet, car elle ne se rendit en Europe que dans l’été de 1815. Elle y passa désormais la plus grande partie de sa longue existence, qui ne se termina qu’en 1879. Fort bien accueillie à Paris, à Londres, à Genève, à Florence, elle ne revenait que rarement et pour peu de temps aux Etats-Unis, qu’elle trouvait le pays le plus ennuyeux du monde. Il lui fallait les compagnies élégantes et aristocratiques, l’air des cours, la fréquentation des gens célèbres, tout ce que recherchent encore aujourd’hui nombre de ses concitoyennes. D’une remarquable beauté qui se conserva longtemps intacte, d’un esprit ironique et mordant, elle eut du moins le mérite de ne jamais prêter à la médisance. Elle passa au travers des admirations, cuirassée par la méfiance que lui avaient fait concevoir pour l’humanité en général ses mésaventures conjugales, casquée d’une dignité froide et altière que le nom de Bonaparte lui avait inspirée. Sérurier la jugeait exactement quand il la peignait ainsi : « Le grand trait du caractère de Mlle Patterson est une fierté extrême que sa bonne et mauvaise fortune ont également exaltée et une défiance qui s’étend à tout le monde. Elle y joint beaucoup d’esprit de finesse, et un grand empire sur elle-même. Elle porte dans le monde un grand désir de plaire que tant d’avantages expliquent sans doute, mais elle y porte aussi un souvenir du passé, qui la protège contre toutes les séductions communes. Elle admet les hommages, mais repousse dédaigneusement les prétentions. »
MAURICE BOREL