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occupé le public, n’attirait plus l’attention, et que sa demande en divorce avait en somme causé peu de bruit : une protestation aurait remis tout en feu.

Quant à la pension de 60 000 francs servie par l’Empereur, Sérurier était d’avis de la continuer : tout le monde savait qu’Elisabeth Patterson la touchait, et cette libéralité recevait l’approbation générale. Pour ce qui était de ses relations personnelles avec elle, il se décidait à ne pas cesser de la voir, mais seulement à rendre ses visites moins fréquentes et à la recevoir chez lui plus rarement ; une rupture aurait persuadé à Elisabeth que tout était fini du côté de la France, et le parti anglais en prendrait avantage pour essayer de la porter « aux déterminations extrêmes, » entendons par-là de lui faire épouser un Anglais.

Voici le texte de la pétition qu’elle avait adressée à l’Assemblée générale du Maryland pour introduire sa demande en divorce : « Votre pétitionnaire fut unie en mariage, d’après les lois des Etats-Unis d’Amérique, avec M. Jérôme Bonaparte dans le courant de l’année 1803. Depuis cette époque, M. Jérôme Bonaparte quitta ce pays pour la France où Sa Majesté l’Empereur des Français a jugé convenable de considérer comme nul le mariage existant entre votre pétitionnaire et le dit M. Jérôme Bonaparte qui, depuis, s’est uni en mariage avec une princesse allemande et est devenu roi de Westphalie. Votre pétitionnaire croit inutile, quand même sa situation délicate le permettrait, de rappeler les diverses considérations qui doivent déterminer une législature éclairée à accorder l’autorisation de défendre un lien contracté et maintenu dans de telles circonstances.

« C’est pourquoi elle soumet respectueusement cette affaire a votre honorable corps qui, en réfléchissant que l’utilité générale prescrit l’indissolubilité du contrat de mariage, ne manquera pas de se rappeler qu’il peut exister et qu’il existe réellement des cas où le bonheur des individus peut être consulté sans porter préjudice au bien constant de la société. »

L’acte prononçant la dissolution du mariage fut voté le 2 janvier à la législature du Maryland. Aussitôt après, Elisabeth exprima à M. Sérurier le désir de passer en France pour s’occuper de l’éducation de son fils, qui avait été jusqu’alors fort négligée. Le jeune Bonaparte n’avait pas de précepteur et n’allait pas au collège : c’était cependant, dit Sérurier, un enfant de la