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habitans de nos possessions, Afrique du Nord comprise, qui appartiennent à la race blanche, on dépasse largement le million.

La valeur intrinsèque d’un homme, estimable en argent, est partout considérable ; elle s’accroît beaucoup aux colonies. Il semble toutefois qu’aucun peuple du monde n’attache moins de prix que nous à conserver en bonne santé ses coloniaux, civils ou militaires. Nos expéditions coloniales, les plus récentes comme les autres, nous ont coûté de nombreuses pertes d’hommes qu’une meilleure organisation sanitaire nous aurait épargnées.

Sans remonter plus loin dans notre histoire, l’expédition de 1881 en Tunisie donna, malgré l’expérience acquise en Algérie, une mortalité de 6,1 pour 100. Un peu plus tard, dans les années 1885 et 1886, les expéditions du Tonkin et du Soudan coûtèrent les premières 7,5 et 9,9, les secondes 22,5 et 20 pour 100 des effectifs européens engagés. La seconde campagne de Madagascar, qui date de 1895, fut la plus meurtrière de toutes. Nos pertes atteignirent le chiffre inconcevable de 40 pour 100. Les causes de cette hécatombe sont connues, nos troupes étaient en majeure partie composées de tout jeunes soldats tirés de l’armée métropolitaine. Et, contrairement à tous les principes, on ne craignit pas de faire durement travailler ces jeunes hommes à peine formés, dans les marais de la côte où ils furent décimés par le paludisme et la dysenterie. Ces souvenirs sont trop pénibles à rappeler, mieux vaut passer outre !

L’expédition du Maroc, toute récente, parut d’abord recommencer les erremens anciens. Aussi la mortalité causée par la typhoïde et la dysenterie atteignit-elle, dans les premiers temps, 14 pour 100 des effectifs. Il ne faudrait pas prétendre que ces pertes, si douloureuses qu’elles soient, représentent la rançon obligée de toute conquête coloniale. L’expédition anglaise contre les Ashantis fut effectuée en 1873 dans des conditions physiques absolument analogues à celles qui caractérisent notre meurtrière campagne du Dahomey. Elle coûta cependant si peu d’hommes à nos voisins qu’elle mérite encore aujourd’hui d’être citée comme un modèle. Ils avaient réuni 7 225 combattans dont 2 600 Européens. Leurs pertes au feu furent de 5 officiers et de 47 hommes tués. 600 hommes durent être rapatriés, mais la mortalité globale ne dépassa pas 1,8 pour 100.