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photographiée au moins deux fois, et c’est ainsi que les divers observatoires se sont distribué la besogne qui doit donner finalement une carte photographique comportant plus de 25 000 clichés. L’Observatoire de Paris par exemple en a 1 260 à faire. Étant donné que chaque pose est d’une demi-heure, de façon à donner toutes les étoiles jusqu’à la quatorzième grandeur, ce qui fait 1 heure et demie par cliché, étant donné d’autre part que les belles nuits sont rares et que la moitié du mois on ne peut pas photographier à cause de la lune qui voile les plaques, on voit que la besogne, pour être moins surhumaine que la carte entreprise par Chacornac, n’en est pas moins ardue.

Comme elle n’est pas près d’être terminée, et afin d’avoir dès maintenant une image satisfaisante du ciel qui se prête à des comparaisons dans un bref avenir, les observatoires participans ont entrepris, sous le nom de « Catalogue photographique, » une série de clichés du ciel obtenus dans les mêmes conditions que ceux de la « carte, » mais avec des durées de pose beaucoup plus courtes et telles que seules les étoiles jusqu’à la 11e grandeur y figurent. C’est cette première série de clichés, ceux du « catalogue. » qui sont actuellement à peu près terminés et la moisson est déjà belle, puisque le nombre des étoiles qui y figurent est voisin de six millions. Quant aux clichés de la carte, on peut estimer qu’ils comprendront au total plusieurs centaines de millions d’étoiles. Ce sera plus qu’il n’en faut pour occuper de nombreuses générations d’astronomes.

Ceci nous amène à toucher du doigt l’un des principaux avantages de la photographie sur la vision directe en astronomie : certes, elle est d’une merveilleuse élasticité, notre rétine, cette petite tapisserie nerveuse tendue au fond de l’œil, et où les fugitives merveilles du monde sensible viennent projeter pour nos cerveaux leurs apparences ; certes, elle a un champ d’action étonnant, puisque nous voyons aussi bien le Soleil et une étoile de première grandeur qui est cinquante milliards de fois moins brillante que lui, et, à l’extrême limite de visibilité, une étoile de sixième grandeur, qui est cent fois moins brillante encore. Mais lorsqu’il s’agit des lumières très faibles, elle a un grave défaut : elle n’accumule l’énergie des rayons lumineux que pendant un dixième de seconde environ, ce qui est la durée des impressions rétiniennes. Il s’ensuit que le même objet ne nous paraîtra pas plus brillant si nous le regardons une heure que si nous le regardons un dixième de seconde. Avec la plaque photographique, il n’en est pas de même : elle accumule presque indéfiniment les effets lumineux et c’est ainsi qu’une plaque, sur laquelle pose pendant une heure une