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une majorité de 362 voix contre 139. Qu’on vienne nous dire, après cela, que le pays n’est pas pour la loi de trois ans ! Eh quoi ! la Chambre n’a que quelques semaines d’existence, elle est l’expression toute récente de la volonté nationale, elle la connaît, elle la représente et l’exprime et, quand elle donne à un ministre qui défend la loi de trois ans une majorité écrasante, on douterait de ce que sa résolution a de réfléchi et de durable ! Que faut-il donc pour en convaincre ? Nous savons bien que les adversaires de la loi n’ont pas désarmé ; ils continuent leur campagne ; ils emploient des procédés sournois pour faire élire par surprise une Commission de l’armée, qui n’a de majorité ni dans un sens, ni dans l’autre ; ils peuvent créer des difficultés, une gêne, des obstacles ; ils n’arrêteront pas la marche nécessaire des choses. La loi de trois ans sera maintenue, et nous le devrons, pour une grande part, à un ministère radical. Les socialistes unifiés ont voté contre lui comme un seul homme, apportant par-là une démonstration éclatante de cette vérité qu’il y a, à la Chambre, une majorité en dehors d’eux. Ne l’avons-nous pas toujours dit ?

Le scrutin a été tel qu’on s’est demandé si M. Ribot n’aurait pas obtenu la même majorité que M. Viviani, s’il avait posé comme lui la question de confiance sur la loi militaire, au lieu d’entretenir la Chambre de la situation fiscale et des moyens d’y pourvoir, ce qu’il a fait d’ailleurs avec la compétence d’un homme qui s’est toujours occupé de finances et qui, pendant son court passage au Ministère, a pu réunir, pour les présenter à la Chambre, les derniers renseignemens officiels sur notre situation. Cette situation est apparue sous un jour inquiétant. M. Ribot n’en a rien dissimulé : il a cru de son devoir de dire la vérité, toute la vérité, et il a conclu à la nécessité de faire un emprunt immédiat, dont la première tranche serait de 900 millions. Les ressources de notre trésorerie sont épuisées au point qu’à partir du mois prochain, on ne peut faire face aux nécessités les plus urgentes que par des moyens peu dignes d’un grand pays. La franchise de M. Ribot n’a pas été du goût de tout le monde et nous le comprenons sans peine, la préoccupation des radicaux ayant été jusqu’à ce jour de dissimuler au pays les cruelles conséquences de leur politique financière. Mais l’heure qu’un de nos auteurs dramatiques a appelée « la douloureuse » est enfin venue, et nous y sommes. Comme toujours, les radicaux et les socialistes ont alors accusé les autres de leurs propres torts : ils leur ont particulièrement reproché d’avoir fait voter la loi militaire sans avoir présenté à la Chambre la couverture financière qu’elle rendait indispensable. Cette accusation