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n’adopte pas en ce moment la résolution de se transporter immédiatement sur un point du territoire où elle pourrait délibérer en liberté, c’est qu’elle obéit à la préoccupation de ne point entraver les efforts de ceux qui, prenant le pouvoir aujourd’hui, ont pris l’immense responsabilité de faire face à la défense nationale. Les membres du Corps législatif ne pourraient renoncer aux droits qu’ils tiennent du suffrage universel et qui ne peuvent être invalidés que par lui ; mais ils persistent tous à se dévouer à l’intérêt sacré de la Défense nationale et ils considèrent que c’est en ce moment le premier devoir d’un bon citoyen. »

Ainsi disparut dans le mépris cette assemblée qui, après avoir passionnément exigé la guerre, avait d’abord désavoué les ministres et l’Empereur, puis renversé sans courage, sous une forme hypocrite, les institutions dont elle devait être la sauvegarde. Elle mérite d’être placée dans l’histoire à côté de la honteuse Chambre des Cent-Jours.

C’était, a-t-on dit, la Représentation nationale. Point du tout. L’Empereur, issu directement du suffrage universel, dépositaire du pouvoir constituant, représentait la nation plus que le Corps législatif qui, lui, ne représentait que le pouvoir législatif dans une Constitution placée au-dessus de son atteinte. Dès que la Chambre portait la main sur cette Constitution, par la grâce de laquelle elle vivait, elle perdait son titre à l’existence. Quoi qu’elle fît, elle n’avait le droit d’exiger le respect qu’autant qu’elle l’accordait elle-même à l’ordre constitutionnel. Dès qu’elle usurpait, elle devenait un ramassis sans autorité que les premiers venus pouvaient se passer la fantaisie de balayer.


Le lendemain, Paris apprit les événemens accomplis la veille par une série de proclamations :

« Français ! Le peuple a devancé la Chambre, qui hésitait. Pour sauver la patrie en danger, il a demandé la République. Il a mis ses représentans, non au pouvoir, mais au péril. La République a vaincu l’invasion en 1792 ; la République est proclamée. La Révolution est faite au nom du droit, du salut public. : Citoyens, veillez sur la cité qui vous est confiée ; demain vous serez, avec l’armée, les vengeurs de la patrie ! — Emmanuel Arago, Crémieux, Dorian, Jules Favre, Jules.Ferry, Guyot-Montpayroux,